Tartuffe cordicole

« À chaque siècle son Tartuffe. Le nôtre a un petit peu changé. Il s’est élargi, s’est étoffé. Il est membre fondateur de plusieurs SOS-machin, il a fait les Mines ou l’ENA, il vote socialiste modéré, ou encore progressiste-sceptique, ou centriste du troisième type.

Il peut se révéler poète à ses heures, même romancier s’il le faut, mais toujours allégorique, lyrique, poitrinaire aujourd’hui comme il a été stalino-lamartinien vers les années 60-70, sans jamais cesserd’être langoureux.

Le nihilisme jadis s’est porté rouge-noir ; il est rose layette à présent, pastel saveur et coeur d’or, tarots new-age, yaourts au bifidus, karma, mueslis, développement des énergies positives, astrologie, occulte-cocooning.

Plus que jamais « faux-monnayeur en dévotions » (Molière), sa « vaine ostentation de bonnes oeuvres » (encore Molière) ne l’empêche pas , bien au contraire, « d’en commettre de mauvaises » (Molière toujours). Partisan du Nouvel Ordre américain, ça tombe sous le sens, c’est-à-dire de la quatrième grande attaque de Réforme à travers les siècles (après Luther, après 89-93, après Hitler), il ne comprend pas les réticences de certains envers les charmes protestants. Sa capitale est Genève, bien sûr, « la ville basse du monde » comme disait Bloy, « le foyer de la cafardées et de l’égoïsme fangueux du monde moderne » ».

Philippe MurayL’Empire du Bien (Éd. Les Belles Lettres, Paris, 2010) – p. 93-94

Civilisations mortelles, pas les cultures…

fullsizeoutput_40d8

« Les adversaires de l’idéologie du progrès croient souvent, bien à tort, que celle-ci se borne à concevoir l’histoire sous une forme linéaire, emmenant l’humanité vers un avenir toujours meilleur, et par suite valoriser le nouveau en tant que nouveau, c’est-à-dire à constamment dévaloriser l’autorité du passé au nom des promesses de l’avenir.

Ils oublient que cette caractéristique possède un corollaire : l’idée que les civilisations sont immortelles. Elles naissent, croissent et se développent, mais aucune loi ni raison objective n’exige qu’elles vieillissent ni ne meurent.

Cette idée optimiste se retrouve chez beaucoup d’adversaires de l’idéologie du progrès, qui lui empruntent ainsi sans s’en rendre compte l’un de ses présupposés fondamentaux.  Certes, nombres d’entre eux s’inquiètent régulièrement des menaces qui pèsent sur la civilisation occidentale, mais ils croient en général qu’il suffirait d’y parer pour que cette civilisation retrouve du même coup une espérance de vie illimitée.

C’est à cette idée que s’oppose radicalement Spengler. Longuement exposée dans Le Déclin de l’Occident, son approche « physiognomique » » des cultures – il s’agit de cerner la « physionomie » de leurs formes historiques – nous dit que les civilisations sont mortelles, qu’elles ne peuvent que mourir et tel est leur destin commun.

Ce ne sont pas des peuples ou des époques, mais des cultures, irréductibles les unes aux autres, qui sont les moteurs de l’histoire mondiale. »

Alain de BenoistOswald Spengler (Revue Nouvelle École, Paris n° 59-60, p.1 ) – 2010

Tout est phobie…

« […] les gens qui n’ont pas de poste de télévision chez eux. On les baptise « téléphobes » parce qu’il est essentiel de ne pas laisser croire qu’il pourrait s’agir de simples indifférents; d’agnostiques paisibles, détachés; leur non-pratique de la télé ne peut-être qu’une névrose, une maladie pernicieuse, le résultat d’une étrange « phobie ».

Philippe MurayL’Empire du Bien (Éd. Les Belles Lettres, p. 157) – 2010 [1991]