« …on voit la femme s’émanciper : prendre, comme dit la Bible, le vêtement de l’homme, affecter les formes, le langage, les allures de la virilité, et aspirer à en exercer les fonctions.
Partout et dans tous les temps, on rencontre de ces créatures excentriques, ridicules dans leur sexe, et insupportables au nôtre : elles sont de plusieurs espèces.
Chez les unes, ce chic masculin est l’effet du tempérament et d’une grande vigueur corporelle : on les appelle des viragos. Ce sont les moins à craindre; elles ne sont pas prosélytes, et il suffit de la critique des autres femmes pour les ramener à l’ordre.
Chez d’autres, la tendance à l’émancipation procède d’un travers d’esprit, ou de la profession qu’elles exercent, ou bien enfin du libertinage. Celles-ci sont les pires : il n’y pas de forfait auquel l’émancipation ne les puisse mener.
À certaines époques, l’esprit de secte s’en mêle; la défaillance des moeurs publiques vient compliquer le mal : la lâcheté des hommes se fait l’auxiliaire de l’audace des femmes; et nous voyons apparaître ces théories d’affranchissement et de promiscuité, dont le dernier mot est la PORNOCRATIE.
Alors c’est fini de la société. »
Pierre-Joseph Proudhon – La pornocratie ou les femmes dans les temps modernes (Éd. A. Lacroix et Cie, Librairie internationale, chapitre IV Physiologie de la femme émancipée, p. 68 et 69)– 1875
« La démocratie pluraliste devait aboutir à la formation, dans la culture, d’un modèle de la personnalité démocratique, à situer en contraste avec ce que l’École de Francfort nommait la personnalité autoritaire, ce qui veut dire qu’à travers sa mutation thérapeutique, l’État diversitaire entend faire naître un nouveau type d’homme.
La démocratie ne sera véritablement légitime que lorsqu’elle aura accouché d’un nouveau peuple qui lui, sera digne d’exercer la souveraineté, car il sera purgé de l’identité du peuple ancien.
En fait, la société, devenue laboratoire de l’utopie, est absolument absorbée par l’État, qui a travers son dispositif technocratique et juridique en vient à s’emparer de tous les processus de socialisation.
L’État diversitaire renoue ainsi avec la fabrique de l’homme nouveau : il entend en fait fabriquer le type d’homme nécessaire à son projet politique.
Ce n’est pas le moindre paradoxe de la culture libertaire qui a pris forme avec les radical sixties qu’elle ne peut se diffuser qu’à travers une reconstruction autoritaire de la société. »
Mathieu Bock-Côté – Le multiculturalisme comme religion politique (Éd. du Cerf, Paris, p. 220) – 2016
« Il est très difficile de faire comprendre aux gens cette indignation impersonnelle qui vous prend à l’idée du déclin de la littérature, de ce que cela implique et de ce que cela produit en fin de compte.
Il est à peu près impossible d’exprimer, à quelque degré que ce soit, cette indignation, sans qu’aussitôt l’on vous traite « d’aigri » ou de quelque autre chose du même genre.
Néanmoins « l’homme d’état ne peut gouverner, le savant ne peut communiquer ses découvertes, les hommes ne peuvent se mettre d’accord sur ce qu’il convient de faire, sans le langage » et toutes leurs actions, toutes les conditions de leur vie sont affectées par les défauts ou les qualités de leur langue. »
Ezra Pound – A.B.C. de la lecture (Éd. de L’Herne, p. 35) – 1966
« La république est alors un régime d’homogénéité entre les institutions de l’État et les moeurs de la société.
La tradition républicaine, en ce sens, ne remonte ni à Rousseau ni à Machiavel. Elle remonte proprement à la politeia platonicienne. Or celle-ci n’est pas le règne de l’égalité par la loi, de l’égalité « arithmétique » entre unités équivalentes.
Elle est le règne de l’égalité géométrique qui met ceux qui valent plus au-dessus de ceux qui valent moins.
Son principe n’est pas la loi écrite et semblable pour tous, mais l’éducation qui dote chacun et chaque classe de la vertu propre à sa place et sa fonction. »
Jacques Rancière – La haine de la démocratie (Éd. La fabrique, Paris, diffusé par Les Bellles Lettres, p.71) – 2005
« Loin d’être une fin en soi, la famille est devenue une prothèse individualiste, une institution où les droits et désirs subjectifs l’emportent sur les obligations catégoriques.
Longtemps les valeurs d’autonomie individuelle ont été assujetties à l’ordre de l’institution familiale. Cette époque est révolue : la puissance décuplée des droits individualistes a dévalorisé tant l’obligation morale du mariage que celle de procréer en grand nombre. Les parents se reconnaissent certes des devoirs envers leurs enfants : pas au point toutefois de rester unis tout leur vie et de sacrifier leur existence personnelle.
Telle est la famille postmoraliste que l’on construit et reconstruit librement le temps que l’on veut, comme l’on veut.
On ne respecte plus la famille en soi, mais la famille comme instrument d’accomplissement des personnes, l’institution « obligatoire » s’est métamorphosée en institution émotionnelle et flexible. »
Gilles Lipovetsky – Le crépuscule du devoir, l’éthique indolore des nouveaux temps démocratiques (Éd. Gallimard, nrf essais, Paris, p.167) – 1992
« Dans un monde où l’énergie de la scène publique, l’énergie du social comme mythe et comme illusion (dont l’intensité est maximale dans les utopies) est en voie de disparition, le social se fait monstrueux et obèse, il se dilate à la dimension d’une niche, d’un corps mammaire, cellulaire, glandulaire, qui jadis, s’illustrait dans ses héros, et aujourd’hui s’indexe sur ses handicapés, ses tarés, ses dégénérés, ses débiles, ses asociaux, dans un gigantesque entreprise de maternage thérapeutique. »
Jean Baudrillard – Les stratégies fatales (Éd. Grasset et Fasquelle, coll. Figures, Paris, p. 79) – 1983
« Il fut un temps où l’esprit caustique se payait d’inconfort, de marginalité, voire d’exclusion. Lorsque Léon Bloy incendiait les tièdes, attendait « les cosaques et le saint Esprit », c’était du fond d’un clapier mal chauffé, le ventre souvent vide et les tripes à vif. La passe d’armes avait des enjeux cosmiques, il s’agissait de briser la « conspiration du silence », de faire valoir les droits du sacré.
L’animalcule gondolant, celui qui aujourd’hui prospère, est du genre dérisoire.
Il fait son trou dans le conformisme et l’assurance tous risques. Il cherche à réussir, à se faire une place au soleil médiatique. Il veut un emploi et des prestations sociales garanties. Il discute le contrat, c’est son bout de gras, il fréquente le monde et le fait savoir.
« Ni rire ni pleurer, mais comprendre », disait Spinoza. Notre propos est motivé par l’agacement de voir parader sans vergogne une cohorte de bouffons que leur petit talent destinait plutôt à l’animation de noces et banquets, mais devenus par une sorte de déficit culturel, ou « critique », les impertinents du moment, les nouveaux maîtres-penseurs. »
François L’Yvonnet – Homo comicus ou l’intégrisme de la rigolade (Éd. Mille et une nuits, p.22 et 23) – 2012
« Le façonnement industriel des esprits nous contraindra dans un très proche avenir à le prendre en considération comme une puissance radicalement nouvelle, sans commune mesure avec ses commencements, et qui croît avec une grande rapidité.
Il est proprement l’industrie-clé du vingtième siècle.
Partout, où de nos jours, un pays civilisé est occupé ou délivré, partout où s’accomplit un coup d’État, une révolution, un chambardement, le nouveau régime ne s’empare plus en premier lieu de la rue et des centres de l’industrie lourde, mais des postes émetteurs, des imprimeries et des services de télécommunications. »
Hans Magnus Enzensberger – Culture ou mise en condition ? (Éd. Les Belles Lettres, coll. Le goût des idées, p.16) – 2012 [1962]
« Nul mieux que Louis-Sébastien Mercier n’a résumé la manière de Voltaire en observant qu’il « ne travaillait pas sa pensée, mais son style ».
Le style de Voltaire est dominé par l’antiphrase qui rend sa pensée inclassable. L’antiphrase n’est pas seulement la figure de l’ironie mais peut devenir celle de la contrevérité quand elle se convertit en hypallage.
L’hypallage consiste à retourner la réalité en inversant dans une proposition donnée les propriétés de certains mots pour les attribuer à d’autres. […]
[…] « Les philosophes criaient à la tyrannie », confirme Gaxotte, alors que « la véritable tyrannie était celle qu’ils exerçaient sur la littérature ».
L’hypallage des philosophes, dès lors qu’elle prend une pose supposée voltairienne, consiste à faire taire un adversaire au nom de la « tolérance », rebaptisée depuis « liberté d’expression ». »
Michel Leter – Tout est culture (Éd. Les Belles Lettres, Paris, p. 191 et 192) – 2015
« Quand les prétextes de l’invasion de l’Irak se sont effondrés – aucune arme de destruction massive, aucun lien entre Al-Quaïda et l’Irak, aucun rapport entre l’Irak et le 11 septembre -, les rédacteurs des discours de Bush ont dû trouver du nouveau.
C’est lors qu’ils ont inventé sa vision messianique – apporter la démocratie au Moyen-Orient.
Quand Bush a prononcé le discours où il annonçait sa nouvelle vision, le principal commentateur du Washington Post, David Ignatius, rédacteur et correspondant respecté, a bien failli tomber à la renverse d’admiration sacrée. Il a définie la guerre d’Irak comme « la plus idéaliste des temps modernes – une guerre dont la seule justification cohérente, malgré tout le battage fallacieux sur les armes de destruction massive et les terroristes d’Al-Quaïda, est d’avoir abattu un tyran et créé la possibilité d’un avenir démocratique ».
Cette vision d’un « avenir démocratique » est impulsée, selon Ignatius, par l’ »idéaliste en chef », Paul Wolfowitz, qui de tous les membres de l’administration, a probablement le passé le plus extrémiste de haine passionnée de la démocratie. Mais ça ne compte pas.
La preuve : Ignatius accompagnait Wolfowitz quand il est allé dans la ville de Hilla parler aux irakiens d’Alexis de Tocqueville.
Il se trouve que c’est aussi à Hilla qu’a eu lieu le premier grand massacre d’irakiens par les américains pendant l’invasion, mais laissons cela aussi. »
Noam Chomsky – La doctrine des bonnes intentions, entretiens avec David Barsamian (Éd. Fayard, p.128 et 129) – 2006
« L’une des grandes inventions du XIXe siècle fut que « l’hérédité physiologique nous garantit l’hérédité psychologique ». Cela ne signifiait pas pour Hippolyte Taine qu’un individu héritait seulement de son père ou de sa mère, mais d’un vaste « magasin » comprenant tous ses ascendants « en remontant à l’infini ».
Les conséquences, ajoutait-il, étaient considérables et permettaient de prendre des vues à longue portée sur l’histoire humaine puisque l’on savait désormais que « la persistance des aptitudes et des tendances léguées » y jouait un rôle prépondérant : » La ténacité du caractère héréditaire et transmis explique les obstacles qui empêchent telle civilisation, telle religion, tel groupe d’habitudes mentales et morales de se greffer sur une souche différente ou sauvage. ».
Ainsi s’expliquait que les styles ne fussent transmissibles que par leur reproduction au sein d’une même souche ». Ainsi s’expliquait encore le principe de l’imperméabilité des cultures qu’avait déjà défendu Herder; et si, comme l’ajoutait le XIXe siècle, chaque culture était l’émanation d’une race, les chocs des cultures étaient nécessairement des chocs de races. »
Éric Michaud – Les invasions barbares, une généalogie de l’histoire de l’art (Éd. Gallimard, nrf essais, p. 24 et 25) – 2015
« Souvent, dans la modernité, les relations amoureuses s’annoncent prometteuses et brillantes, mais elles sont aussi éphémères. Elles n’ont pas d’épaisseur derrière l’apparat.
L’effort que demande un obstacle à surmonter, le hasard d’une épreuve ou d’une concurrence, sonne le glas de la relation. Le moment est venu de clore l’aventure.
Dans la tradition, les vicissitudes et l’adversité, bien que ressenties comme une infortune, étaient aussi une chance à saisir pour faire ses preuves, conquérir le respect, l’honneur, réussir sa vie.
La société a réorganisé les masses de telle manière qu’elles se déresponsabilisent collectivement. Il ne convient plus d’en appeler à faire ses armes ni à la vaillance.
Ces notions-là sont très vites suspectes. »
Juliette et Roméo Bey – La démocratie proxénète (Éd. Daraise, Lyon, p.289 et 290) – 2015
« Je laisse aux experts le soin de décider s’il faut choisir, pour les nouveaux arrivants, la voie de l’intégration ou celle de l’assimilation.
Tout ce que je sais, c’est que les habitants d’un même territoire ne peuvent vivre ensemble que si leurs montres indiquent la même heure. La synchronisation s’impose. Et elle est incompatible avec la poursuite, au rythme actuel, de l’immigration de peuplement.
Pour Philosophie magazine, Michel Eltchaninoff est allé à La Villeneuve, ce quartier des environs de Grenoble qui avait été conçu à l’origine comme « un modèle d’ouverture à autrui et à la mixité » et qui est devenu peu à peu ethniquement homogène.
Pourquoi ce fiasco ? Parce que, selon un militant associatif resté sur les lieux, « La Villeneuve est une utopie du Nord peuplée avec des gens du Sud. On n’a jamais appris la vie urbaine à ces populations issues de la ruralité. C’est ce qui explique que tant de personnes jettent leurs ordures par les fenêtres. Dans ces pays, les espaces publics sont dégoûtants alors que l’espace privé est impeccable ».
Nul n’est par essence ou par fatalité étranger à l’urbanité française. Mais, pour que tous deviennent contemporains, il ne faut pas qu’augmentent indéfiniment le nombre de ceux qui ne le sont pas au départ.
Ou alors, une autre synchronisation risque d’advenir, celle dont le pape François donne d’ores et déjà l’exemple en alignant sans avoir l’air d’y toucher la morale chrétienne sur le coup de boule de Zinedine Zidane : »Si un ami parle mal de ma mère, il faut s’attendre à un ramponneau. On ne peut provoquer, insulter la foi des autres. »
Alain Finkielkraut – La seule exactitude (Éd. Stock, Paris, p.242) – 2015
« Lippmann [Walter Lippmann, journaliste des années 20], qui avait pris part aux commissions de propagande, en avait reconnu l’impact.
Ce qu’il appelait « une révolution dans l’art d’exercer la démocratie » devait pouvoir,disait-il, être utilisé pour « fabriquer le consentement », c’est-à-dire pour obtenir l’adhésion de la population à des mesures dont elle ne veut pas, grâce à l’application des nouvelles techniques de propagande. »
Noam Chomsky, Robert W. McChesney – Propagande, médias et démocratie (Éd. écosociété, Montréal, p.21)- 2004 [1997]
« Si la fête est représentation didactique de la puissance en marche, elle est également une compensation.
Éclipsant le souvenir de foules idolâtres ou révolutionnaires, ce désordre est destiné à en éviter de plus dangereux.
En ce sens, le projet ressort d’une préoccupation éminemment politique.
Il s’agit d’abolir la prééminence sociale de la rue pour empêcher la mise en oeuvre d’une violence insurrectionnelle. »
Olivier Ihl – La fête républicaine (nrf, Éd. Gallimard, Bibliothèque des Histoires, p.338) – 1996
« En réalité, l’enseignement pédagogique est fait pour les paresseux, pour les esprits sans curiosité, pour les individus qui resteraient complètement ignares si on ne leur apprenait pas quelque chose de force, pour ainsi dire.
II n’y a que l’élite qui compte, et l’élite ne se constitue pas avec des diplômes.
Elle tient à la nature même de certains individus, supérieurs aux autres de naissance, et qui développent cette supériorité par eux-mêmes, sans avoir besoin de l’aide d’aucuns pédagogues, gens, le plus souvent, fort bornés et fort nuisibles. »
Paul Léautaud – Passe-temps (Éd. Mercure de France, Paris) – 1929
« La guerre est la plus forte rencontre des peuples.
Alors que commerce et circulation, compétitions et congrès ne font se joindre que les pointes avancées, la guerre engage l’équipe au complet, avec un objectif seul et unique : l’ennemi.
Quels que soient les problèmes et les idées qui agitent le monde, toujours leur sort se décida par la confrontation dans le sang.
Certes toute liberté, toute grandeur et toute culture sont issues du silence de l’idée, mais seules les guerres ont pu les maintenir, les propager ou les perdre.
La guerre seule a fait des grandes religions l’apanage de la terre entière, a fait surgir au jour, depuis leurs racines obscures, les races les plus capables, a fait d’innombrables esclaves des hommes libres. »
Ernst Jünger – La guerre comme expérience intérieure (Éd. Christian Bourgeois, coll. Titres, Titre 68, p.75) – 2008 [Le combat comme expérience intérieure, 1922]
« Je comprends qu’on déclare la guerre à l’Occident, lequel n’est plus une civilisation mais une idéalisation cynique de la démocratie, c’est-à-dire le contraire de toute vie spirituelle, de toute mémoire féconde : une puissance mortifère. ».
Richard Millet – L’Opprobre, essai de démonologie (Éd. Gallimard, NRF, p. 52) – 2008
« À quoi t’occupe-tu, mon cher Solon ? Ne sais-tu pas que les lois sont comme les toiles d’araignées ?
Les faibles s’y prennent, les puissants passent à travers. »
Le scythe Anacharsis d’après William Duckett – Dictionnaire de la conversation et de la lecture (Éd. Belin-Mandar, tome XLIX, p. 346) – 1838 [VIe siècle av. J.C.]
« À la dégénérescence de la démocratie encanaillée, nous avons vu succéder à Vichy la dégénérescence de la démocratie bourgeoise.
L’une vaut l’autre, leurs frontières sont fort vagues. Les hommes des deux cliques se croisent chaque jour devant l’hôtel du Parc. La bourgeoisie a tout simplement amené de nouveaux tyranneaux, de nouveaux profiteurs, dans le même désordre et la même impuissance qu’auparavant. Autant de phénomènes typiques de la démocratie.
Ces bourgeois, fidèles à leur nature, sécrètent la guerre comme l’escargot la bave. »
Lucien Rebatet – Les décombres (Éd. Denoël, p. 627) – 1942
« Une nation est une âme, un principe spirituel. Deux choses qui, à vrai dire, n’en font qu’une constituent cette âme, ce principe spirituel.
L’une est dans le passé, l’autre dans le présent.
L’une est la possession en commun d’un riche legs de souvenirs; l’autres est le consentement actuel, le désir de vivre ensemble, la volonté de continuer à faire valoir l’héritage qu’on a reçu indivis. »
Ernest Renan – Qu’est-ce qu’une nation ? (Éd. Calmann Lévy, Paris, p. 26) – 1882
« La conception originelle, fondatrice, de l’État moderne liait étroitement la considération des droits individuels et celle du pouvoir, ou de la puissance publique.
Aujourd’hui, les droits ont envahi tout le champ de la réflexion et pour ainsi dire de la conscience. Ils ont rompu leur alliance avec la puissance, dont ils sont même devenus les ennemis implacables.
De l’alliance entre droit et pouvoir, nous sommes passés à la réclamation d’un pouvoir du droit dont le « pouvoir des juges »ne serait en somme que la manifestation empirique ou « phénoménale ».
Cette élévation du droit aux dépens du pouvoir – ici, du pouvoir politique légitime – constitue assurément un facteur de plus en plus déterminant et débilitant de la vie politique des nations européennes. »
Pierre Manent – La raison des nations, Réflexions sur la démocratie en Europe (Éd. L’Esprit de la Cité, Gallimard, p.27 et 28) – 2006
« On avait inventé le libre arbitre, bâti des écoles, tenté de forger des individus debout.
Voici venu le temps des larves, le doigt sur la souris, l’érection incertaine, la satisfaction baveuse. Fringues griffées et nourritures spongieuses.
La pornographie est le règne du mou, contrairement aux apparences. »
Jean-Paul Brighelli – La société pornographique (Éd. François Bourin, p.102) – 2012
« […] La civilisation a été rebaptisée la démocratie; et le sauvage, le totalitaire ou l’arriéré. […] Et s’il persiste à ne pas comprendre où est son intérêt, et le fin mot de l’Histoire, il faudra ramener le récalcitrant à la Raison par la manière forte. »
Régis Debray – Aveuglantes lumières. Journal en clair-obscur (Éd. Gallimard, Paris, p. 130) – 2006
« […] la politique devient de plus en plus un question de groupes d’intérêts, où chacun revendique pour son propre compte un part des bienfaits de l’État-providence, en définissant ses intérêts dans le sens le plus étroit possible et en excluant délibérément toute revendication plus générale ou toute tentative de formuler les revendications d’un groupe en termes universels. »
Christopher Lasch ( et Cornelius Castoriadis) – La culture de l’égoïsme (Éd. Flammarion, coll. Climats, p. 28) – 1986 [2012]
«[…] La Loi devenue l’instrument de toutes les cupidités au lieu d’en être le frein ! La Loi accomplissant elle même l’iniquité qu’elle avait pour mission de punir !
[…] Il y a trop de grands hommes dans le monde ; il y a trop de législateurs, organisateurs, instituteurs de sociétés, conducteurs de peuples, pères des nations, etc. Trop de gens se placent au-dessus de l’humanité pour la régenter, trop de gens font métier de s’occuper d’elle ».
Frédéric Bastiat – La Loi (Éd. Librairie de Guillaumin et Cie, Paris, p.3 et 78) – 1850
« La simple proclamation de l’égalité naturelle entre tous les hommes et la fraternité qui doit les unir, sans distinction de races ou de cultures, a quelque chose de décevant pour l’esprit, parce qu’elle néglige une diversité de fait qui s’impose à l’observation. »
Claude Lévi-Strauss – Race et histoire (Éd. Gallimard, coll. Folio Essais, p. 22) – 1952 [1989]
« La race humaine est une fois pour toutes et par nature vouée à la souffrance et à la ruine; quand bien même par le secoue de l’État et de l’histoire on pourrait remédier à l’injustice et à l misère au point que la terre devienne une sorte de pays de cocagne , les hommes en arriveraient à s’entre-quereller par ennui, à se précipiter les uns sur les autres, ou bien l’excès de la population amènerait la famine et celle-ci les détruirait. »
Arthur Schopenhauer – Douleurs du monde, Pensées et fragments (Petite Bibliothèque Rivages, p. 199) – 1990 [1880, Éd. Félix Alcan]
« Au commencement fut le suffrage universel. C’est la marmite de Papin. On a beaucoup écrit sur l’absurdité d’une règle qui donne un poids égal à l’opinion d’un esclave illettré et à celle d’Archimède. »
Maurice Bardèche – Les temps modernes (Éd. Les Sept couleurs, p. 15) – 1956
« […] la guerre a été organisée entre les nations, et considérée comme une des formes de la justice; forme terrible, qui, c’est ma conviction et mon espérance, doit tomber peu à peu en désuétude, mais qui n’est pas moins essentielle à la constitution de l’humanité et à la manifestation du droit. »
Pierre-Joseph Proudhon – La pornocratie ou les femmes dans les temps modernes – 1875 (Librairie internationale, chapitre II Parallèle de l’Homme et de la Femme, p. 40 – Éd. A. Lacroix et Cie)
« Le réac ne croit pas aux bienfaits d’une « culture pour tous » censée abolir dans les bourbiers du « dialogue » le privilège du penseur, de l’artiste, de l’érudit au profit des masses miraculeusement ouvertes à la créativité.
[…] Il ne croit pas que tout se vaut, cet article du crédo-moderne, selon lequel il est illégitime de hiérarchiser l’émotion esthétique. Entre Mozart et le rap, entre Vermeer et le tag, il discerne un fossé qualitatif.
[…] Si tout se valait, rien ne vaudrait sinon son prix aux étals du marché et il ne croit pas aux vertus civilisatrices du grand souk mondialisé. »
Denis Tillinac – Du bonheur d’être réac (Éd. des Équateurs, p. 79 et 80) – 2014
» Plongeons plus avant dans l’avenir. Un jour viendra, tout semble le dire, où, de progrès en progrès, l’homme succombera, tué par l’excès de ce qu’il appelle la civilisation. Trop ardent à faire le dieu, il ne peut espérer la placide longévité de la bête; […]. »
Jean-Henri Fabre – Souvenirs entomologiques, études sur l’instinct et les moeurs des insectes (Éd. Delagrave, Paris, Série VI, p.203) – 1900
« […] il est légitime de se demander si l’humanité telle qu’elle est n’aurait pas intérêt à s’effacer maintenant plutôt que de s’exténuer et s’avachir dans l’attente, en s’exposant à une ère d’agonie, où elle risquerait de perdre toute ambition, même celle de disparaître. »
Emil Michel Cioran – Écartèlement (Éd. Gallimard, nrf, Les essais CCVII, p. 50) – 1979
« La Révolution fut provoquée par les abus d’une classe revenue de tout, même de ses privilèges, auxquels elle s’agrippait par automatisme, sans passion ni acharnement, car elle avait un faible ostensible pour les idées de ceux qui allaient l’anéantir.
La complaisance pour l’adversaire est le signe distinctif de la débilité, c’est-à-dire de la tolérance, laquelle n’est, en dernier ressort, qu’une coquetterie d’agonisants. »
Emil Michel Cioran – Écartèlement (Éd. Gallimard, nrf, Les essais CCVII, p. 30) – 1979
“On n’imagine pas la densité d’esthètes progressistes entre l’avenue Mozart et le boulevard Saint-Germain qui n’ont jamais serré la main d’un ouvrier. On parle de ce que l’on ignore avec une conviction d’autant plus ferme qu’elle n’est entamée par aucune expérience concrète.”
Michel Mourlet – L’éléphant dans la porcelaine (éd. La table ronde) – 1976
« L’anthropologie de Hobbes éclaire, par contraste, le principe de toute pédagogie libérale.
À partir du moment, en effet, où l’on s’est convaincu que l’égoïsme est la véritable source de toutes les « vertus publiques » (private vices, public benefits, selon la formule célèbre de Mandeville), il devient absolument nécessaire de laisser la nature du petit d’homme s’exprimer librement, sous l’oeil admiratif de ses néoparents – tout appel à la notion d’effort ou d’autorité étant immédiatement discrédité comme « patriarcal » ou « réactionnaire ». »
Jean-Claude Michéa – Le complexe d’Orphée (Éd. Flammarion, coll. Climats, p. 289) – 2011
« Un peuple a beau faire des efforts, il ne parviendra pas à rendre les conditions parfaitement égales dans son sein et s’il avait le malheur d’arriver à ce nivellement absolu et complet, il resterait encore l’inégalité des intelligences, qui, venant directement de Dieu, échappera toujours aux lois.
Quelque démocratique que soit l’état social et la constitution politique d’un peuple, on peut donc compter que chacun de ses citoyens apercevra toujours près de soi plusieurs points qui le dominent, et l’on peut prévoir qu’il tournera obstinément ses regards de ce seul côté.
Quand l’inégalité est la loi commune d’une société, les plus fortes inégalités ne frappent point l’œil; quand tout est à peu près de niveau, les moindres le blessent.
C’est pour cela que le désir de l’égalité devient toujours plus insatiable à mesure que l’égalité est plus grande. »
Alexis de Tocqueville – De la démocratie en Amérique (Éd. Charles Gosselin, Paris, tome II, p. 135) – 1840
« Chacune de ces trop grandes et trop vivantes cités, créations de l’inquiétude, de l’avidité, de la volonté combinées avec la figure locale du sol et la situation géographique, se conserve et s’accroît en attirant à soi ce qu’il y a de plus ambitieux, de plus remuant, de plus libre d’esprit, de plus raffiné dans les goûts, de plus vaniteux, de plus luxurieux et de plus lâche quant aux moeurs.
On vient aux grands centres pour avancer, pour triompher, pour s’élever; pour jouir, pour s’y consumer; pour s’y fondre et s’y métamorphoser; et en somme pour jouer, pour se trouver à la portée du plus grand nombre possible de chances et de proies, femmes, places, clartés, relations, facilités diverses; […]
[…] Chaque grande ville est une immense maison de jeux. »
Paul Valéry – Regards sur le monde actuel et autres essais (Éd. Gallimard, nrf, p.120) – 1945 [1961]
« Il serait vain de se détourner du passé pour ne penser qu’à l’avenir. C’est une illusion dangereuse de croire qu’il n’y ait même là une possibilité.
L’opposition entre l’avenir et le passé est absurde.
L’avenir ne nous porte rien, ne nous donne rien; c’est nous qui pour le construire devons tout lui donner, lui donner notre vie elle-même.
Mais pour donner, il faut posséder, et nous ne possédons d’autre vie, d’autre sève, que les trésors hérités du passé et digérés, assimilés, recréés par nous.
De tous les besoins de l’âme humaine, il n’y en a pas de plus vital que le passé. »
Simone Weil – L’enracinement (Éd. Gallimard, NRF Paris) – 1949
« Pourquoi s’enflammer pour le destin national d’un peuple si l’on reste indifférent au sien ?
[…] N’y a-t-il pas quelque incohérence à soutenir le combat du peuple tibétain aux noms de valeurs et de principes – respect de la langue, de la culture, des traditions de ce peuple – qu’on refuse à son propre pays ?
On nage en pleine contradiction. »
Daniel Lefeuvre et Michel Renard – Faut-il avoir honte de l’identité nationale ? (Éd.Larousse, p. 11 et 12) – 2008
“Taxez-moi de romantisme. Qu’importe!
Pour moi le trésor du monde, c’est une infante de Vélasquez, un opéra de Wagner ou une cathédrale gothique. C’est un calvaire breton ou une nécropole de Champagne. C’est le romancero du Cid ou le visage hugolien de “l’enfant grec”.
C’est le tombeau des Invalides ou le grand aigle de Schönbrunn, l’Alcazar de Tolède ou le Colisée de Rome, la Tour de Londres ou celle de Galata, le sang de Budapest ou le quadrige orgueilleux de la Porte de Brandebourg, devenu le poste-frontière de l’Europe mutilée.
Pour ces pierres, ces aigles et ces croix, pour la mémoire de l’héroïsme et du génie de nos pères : pour notre terre menacée d’esclavage et le souvenir d’un plus grand passé, lecteurs, la lutte ne sera jamais vaine.
Frêle Geneviève de Paris, patronne de l’Europe, seule contre les hordes mongoles, tu symbolises notre esprit de résistance.
Et toi, vainqueur blond au visage de dieu, Macédonien aux dix milles fidèles, Alexandre, toi qui conquis le monde oriental avec ta foi et ton épée, dressé contre le destin et le sens de l’Histoire, tu symboliseras peut-être un jour le triomphe de l’Europe impériale. »”
Jean de Brem – Le testament d’un européen (Éd. La Table Ronde, Paris) – 1964.
« Dans le monde industriel moderne, les termes et les concepts de « classe »et de « caste » ont été bannis, et la religion est en déclin.
Mais les partis politiques et la bureaucratie se sont substituées aux classes et aux castes, et la démocratie s’est substituée à la religion.
Dans un système démocratique, les élections générales sont un instrument tout à fait efficace pour garantir le maintien d’une fraction σ parmi les puissants.
N’oublions pas que, selon la Deuxième Loi fondamentale, un pourcentage σ des électeurs est composé d’individus stupides et que les élections leurs offrent à tous à la fois une occasion formidable de nuire à tous les autres sans rien y gagner.
Et c’est ce qu’ils font en contribuant au maintien de la fraction σ parmi les individus au pouvoir. »
Carlo M. Cipolla – Les lois fondamentales de la stupidité humaine (Éd. Presses Universitaires de France, p. 46) – 2012 [1988]
« Les indigènes mélanésiens étaient ravis par les avions qui passaient dans le ciel. Mais jamais ces objets ne descendaient vers eux. Les Blancs, eux, réussissaient à les capter. Et cela parce qu’ils disposaient au sol, sur certains espaces, d’objets semblables qui attiraient les avions volants.
Sur quoi les indigènes se mirent à construire un simulacre d’avion avec des branches et des lianes, délimitèrent un terrain qu’ils éclairaient soigneusement de nuit et se mirent à attendre patiemment que les vrais avions s’y posent.
Sans taxer de primitivisme (et pourquoi pas ?) les chasseurs collecteurs anthropoïdes errant de nos jours dans la jungle des villes, on pourrait voir là un apologue sur la société de consommation.
Le miraculé de la consommation lui aussi met en place tout un dispositif d’objets simulacres, de signes caractéristiques du bonheur, et attend ensuite (désespérément, dirait un moraliste) que le bonheur se pose. »
Jean Baudrillard – La société de consommation (Éd. Gallimard, coll. Idées) – 1974 [1970]
« Alors même que certains gouvernements s’emploient à exporter la démocratie par la force des armes, notre intelligentsia n’en finit pas de déceler, dans tous les aspects de la vie publique et privée, les symptômes funestes de l’ »individualisme démocratique » et les ravages de l’ »égalitarisme » détruisant les valeurs collectives, forgeant un nouveau totalitarisme et conduisant l’humanité au suicide. »
Jacques Rancière – La haine de la démocratie (Éd. La fabrique, Paris, diffusé par Les Bellles Lettres) – 2005
« […] Les droits de l’homme et la démocratie ne coïncident pas […]. Il est fort probable, en l’absence d’une démocratie, de rencontrer ces droits dans tout pouvoir d’État qui les préserve et les reconnaît, de même qu’à l’inverse, il peut y avoir une démocratie doctrinaire, usant de terreur et fanatique de l’égalitarisme, qui n’accorde aucune liberté de conscience. »
Ernst Troeltsch – Protestantisme et Modernité (Éd. Gallimard, Paris, p. 84-85) – 1991
« Les dépositaires du pouvoir ont une disposition fâcheuse à considérer tout ce qui n’est pas eux comme une faction. Ils rangent quelquefois la nation même dans cette catégorie. »
Benjamin Constant – De la doctrine qui peut réunir les partis en France (Éd. Delaunay, Paris, p. 34) – 1816
« Les républiques sont pleines de sots qui décident comment les gens d’esprit doivent penser. »
Achille Tournier – Pensées d’Automne (Éd. Paul ollendorff, Paris, p.174) – 1896
« L’âme d’une race régit sa destinée. Il faut des générations pour la créer, et parfois peu d’années pour la perdre.
[…] C’est la supériorité de son âme ancestrale qui distingue le civilisé du barbare. L’éducation ne saurait donc les égaliser.
La race est la pierre angulaire sur laquelle repose l’équilibre des nations. Elle représente ce qu’il y a de plus stable dans la vie d’un peuple. Des croisements répétés pouvant la dissocier, l’influence des étrangers est fort dangereuse. De tels croisements détruisirent jadis la grandeur de Rome. Elle perdit sa puissance en perdant son âme. »
Gustave Le Bon – Hier et demain : pensées brèves (Éd. Ernest Flammarion, Paris, p.43 et 44) – 1918
« […] le discrédit jeté, depuis Mai 68, sur l’idée de nation, de verticalité, et sur le catholicisme, bien sûr, par les gauchistes puis par leurs fils, ces nouveaux dévots qui ont hérité de la rébellion paternelle ses formes dégradées dans le consumérisme, le métissage, l’antiracisme, l’incantation aux droits de l’homme. »
Richard Millet – De l’antiracisme comme terreur littéraire (Éd. Pierre Guillaume de Roux, p. 73) – 2012
« Si nous appelons ici nationalisme la volonté de collectivités politiquement organisées, établies sur un territoire et soumises à un État, de maintenir à l’égard des autres collectivités de même sorte une liberté théoriquement entière et au moins égale à celle des autres, nous dirons que l’expansion planétaire de la technique et de l’économie moderne n’aboutit pas à un État universel.
Peuples ou États agissent sur la scène historique à la manière de personnes qui ne veulent pas se soumettre à un maître et ne savent pas comment se soumettre à une loi commune. »
Raymond Aron – Les désillusions du progrès, essai sur la dialectique de la modernité (Éd. Gallimard, coll. Tel, p. 202 et 203) – 1969
« Chaque mariage ne saurait donc être isolé de tous les autres mariages, passés ou futurs, qui ont eu, ou auront lieu au sein du groupe. Chacun est le terme d’un mouvement qui, aussitôt qu’il a atteint ce terme, doit renverser pour se dérouler dans un sens nouveau; que le mouvement s’arrête, et tout le système de réciprocité se trouvera ébranlé.
En même temps que le mariage est la condition pour que la réciprocité se réalise, il risque donc, à chaque coup, l’existence de la réciprocité : car que se passerait-il, si femme était reçue sans que filou soeur soit rendue ?
Il faut prendre ce risque, pourtant, si l’on veut que la société continue; pour sauvegarder la perpétuité sociale de l’alliance, on doit se compromettre avec les fatalités de la filiation, c’est-à-dire en somme, de l’infrastructure biologique de l’homme. »
Claude Lévi-Strauss – Les structures élémentaires de la parenté (Presses Universiataires de France, Paris, p. 606) – 1949
« Mais la proclamation de l’ère multiculturelle est aussi une déclaration d’intention : elle signifie le refus de juger et de prendre parti, la volonté de rester neutre, de se laver les mains des petites disputes qui opposent les modes de vie ou les valeurs.
Elle affiche le nouveau caractère « omnivore culturel » de l’élite mondiale : considérons le monde comme un gigantesque supermarché dont les étalages débordent d’offres diverses et variées, circulons librement d’une allée à l’autre pour goûter tous les produits qui nous passent entre les mains. »
Zygmunt Bauman – Identité (Éd. de L’Herne, p.131 et 132) – 2010 [2004]
« Une culture de masse est une culture que l’on peut acquérir avec le minimum de capacités sans aucun effort intellectuel et au plus bas prix. »
Léo Strauss – Le libéralisme antique et moderne (Éd. PUF, Paris, p.15) – 1990 [1968]
« Aujourd’hui, beaucoup d’Intellectuels trouvent avantageux pour leurs intérêts de présenter des apologies de la démocratie; ils ont été habitués, grâce à leur éducation classique, à regarder l’histoire comme une sorte d’épopée; ils s’ingénient, en conséquence, à imaginer des sophismes propres à démontrer que la médiocrité démocratique engendre la grandeur sociale.
Nous avons rencontré au cours de cette étude, un des plus effrontés de ces sophismes, celui de la loi de régression apparente; on prétend, grâce à elle, transformer les plongeons dans la décadence en un vol hardi vers les sommets les plus élevés que peut désirer l’esprit. »
Georges Sorel – Les Illusions du Progrès, études sur le devenir social (Librairie Marcel Rivière et Cie, Paris, p.334) – 1947
« C’est la théorie sociale qui aide le scélérat à blanchir ses actes à ses propres yeux et à ceux d’autrui, pour s’entendre adresser non pas des reproches ni des malédictions, mais des louanges et des témoignages de respect. »
Alexandre Soljénitsyne – L’Archipel du Goulag 1918-1956 (Éd. Seuil, Paris, Vol. I, p. 131) – 1973
« Il faut avoir vécu dans cet isoloir qu’on appelle Assemblée nationale, pour concevoir comment les hommes qui ignorent le plus complètement l’état d’un pays sont presque toujours ceux qui le représentent. »
Pierre-Joseph Proudhon – Confessions d’un révolutionnaire pour servir à l’histoire de la révolution de février (La Voix du Peuple, Paris, p. 41) – 1849
« On peut penser que les temps modernes sont des temps heureux. C’est l’opinion de certaines personnes. Elles trouvent que nous ne manquons de rien, que nous sommes libres, que nous avons ce qu’on peut avoir de justice et de paix. C’est un point de vue. Dans ce cas, il faut considérer comme circonstances fâcheuses les déconvenues et les sujets d’inquiétudes que nous apporte le présent.
C’est ce qu’elles font sereinement, à la manière de ces mères qui, ne surveillant ni l’hygiène ni les jeux de leurs enfants, parlent ensuite de leur « malchance » quand il y’a des maladies et des jambes cassée.
[…] Mais la médecine politique est plus difficile à pratiquer que l’autre. Pour demander leur secret aux temps modernes, on ne doit pas compter sur le secours du malade. Il faut au contraire débrouiller ses mensonges et reconnaître son véritable état malgré les illusions qu’il cherche à répandre.
L’euphorie des temps modernes, en France et dans les autres démocraties, cache une malhonnêteté fondamentale qui est la cause de notre décadence.
Les régimes que nous appelons démocratiques sont une comédie au même titre que les démocraties populaires. La volonté nationale y est escamotée. Une caste de privilégiés s’y est emparée de la nation. Son pouvoir a pour condition la libre pénétration du pouvoir de l’étranger qui aboutit à notre division politique, à notre impuissance, à notre domestication.
Finalement, sous prétexte de liberté, nous n’en sommes plus maître de rien chez nous, ni de nos économies, ni de nos territoires, ni de notre destin. Nous ne sommes plus rien dans nos nations.
Les temps modernes, c’est le temps de l’expropriation. »
Maurice Bardèche – Les temps modernes (Éd. Les Sept couleurs, p. 9 à 11) – 1956
« La seule solution du problème politique et social serait le despotisme des sages et des nobles, d’une aristocratie pure et vraie, obtenue au moyen de la génération par l’union des hommes aux sentiments les plus généreux avec les femmes les plus intelligentes et les plus fines.
Cette proposition est mon utopie et ma république de Platon »
Arthur Schopenhauer – Douleurs du monde, Pensées et fragments (Petite Bibliothèque Rivages, p. 200 et 201) – 1990 [1880, Éd. Félix Alcan]
« Notre siècle ne croit plus à l’individu, au citoyen isolé, à l’homme, en un mot. Il ne croit plus qu’aux forces ou masses collectives, qu’elles soient nationales, militaires, industrielles, financières ou électives.
La force de l’antiquité, suivant la remarque profonde de Michelet, tenait à cette croyance que l’homme fait son destin lui-même; aujourd’hui l’homme diminue et s’efface n’ayant pas de force et d’action que par le groupe, l’association auxquels il appartient et dont il n’est plus qu’un rouage ou un atome.
Le progrès organise ainsi lentement, mais sûrement, des despotismes d’un nouveau genre, dont l’avenir seul pourra mesurer l’étendue et connaître la pesanteur. »
Achille Tournier – Pensées d’automne (Éd. Paul Ollendorff Paris, p.197 et 198) – 1896
« Nous sommes au temps des lavages de cerveau. Avant tout, il faut que nous ne soyons pas nous-mêmes. On ne sait pas ce qu’il peut y avoir en nous-mêmes : peut-être le sentiment de l’honneur, la fierté, le respect de notre sang, une sorte d’aspiration à la propreté et à la grandeur, qui sait ?
Toutes sortes de traits qui ne conviennent pas au bon acheteur de la pacotille des bazars à prix unique. Donc, comme le charbon qui sort de la mine, on nous lave. Et de ce lavage initial, constamment, obstinément répété, dépend la qualité de notre docilité.
Là est la tâche essentielle de la presse. »
Maurice Bardèche – Les Temps modernes (Éd. des Sept Couleurs, p. 28 et 29) – 1956
« […] les gens qui n’ont pas de poste de télévision chez eux. On les baptise « téléphobes » parce qu’il est essentiel de ne pas laisser croire qu’il pourrait s’agir de simples indifférents; d’agnostiques paisibles, détachés; leur non-pratique de la télé ne peut-être qu’une névrose, une maladie pernicieuse, le résultat d’une étrange « phobie ».
Philippe Muray – L’Empire du Bien (Éd. Les Belles Lettres, p. 157) – 2010 [1991]
« La famille, fondée sur l’union plus ou moins durable, mais socialement approuvée, de deux individus de sexes différents qui fondent un ménage, procréent et élèvent des enfants, apparaît comme un phénomène pratiquement universel, présent dans tous les types de société »
Claude Lévi-Staruss – Les structures élémentaires de la parenté (Presses Universitaires de France) – 1949
« Un corps électoral ignorant les problèmes de l’État, les groupes qui intriguent, les ministres qui passent et tombent, cela ne peut être le vrai régime d’un peuple. Il doit donc y avoir autre chose.
Cette autre chose, ou ces autres choses, cela reste à découvrir, et quoiqu’il soit un peu ridicule d’avouer cette ambition à haute voix, leur découverte, est ce que nous voudrions tous tenter ici.
Toutes les histoires sont des énigmes difficiles, mais plus que les autres peut-être celles de nos époques démocratiques, parce que leurs traits sont enfouis sous une couche plus épaisse d’illusions flatteuses. En monarchie, c’est un seul homme qu’il faut flatter. En démocratie, c’est tout le monde, d’où cette énorme littérature, presque toute mensongère, et cet appareil compliqué d’institutions si s ouvert fictives. »
Daniel Halévy – Décadence de la Liberté (Les Écrits, Éd. Bernard Grasset, p. 83) – 1931
« Pas de féodalité, en Europe ou ailleurs, sans la décomposition préalable d’un vaste corps politique. Dans le cas présent, ce corps politique, c’est le vaste Empire carolingien, cette première « Europe » dont le nom même s’est affirmé alors (Europa, vel regnum Caroli), pour disparaître avec le grand empereur qu’un poète de sa Cour saluait comme le pater Europae.
[…] Cependant, la féodalité, c’est autre chose encore : une société fondée sur les relations d’homme à homme, sur une chaîne de dépendances; une économie où la terre n’est pas le seul mais le plus fréquent moyen de payer des services.
[…] À cette pyramide sociale, avec ses obligations, ses règles, ses fidélités, à cette mobilisation de forces, l’Occident a dû survivre, de sauvegarder le vieil héritage chrétien et romain auquel il va mêler idées, vertus et idéologies du régime seigneurial (sa civilisation propre).
Pratiquement, l’Europe qui alors a oublié son nom même d’Europe, se constitue comme un monde cloisonné, où seule compte la petite région, l’étroite patrie.
[…] L’intéressant, c’est que s’établit malgré tout, malgré le cloisonnement politique, une convergence évidente de civilisation, de culture. le voyageur sur le chemin de tel pèlerinage (celui de Saint-Jacques-de-Compostelle par exemple) ou en déplacements d’affaires, se sent chez lui, aussi bien à Lubeck qu’à Paris, à Londres qu’à Bruges, à Cologne qu’à Burgos, Milan ou Venise. Les valeurs morales, religieuses, culturelles, les règles de guerre, de l’amour, de la vie, de la mort sont partout les mêmes, d’un fief à l’autre, quels que soient leurs querelles, leurs révoltes ou leurs conflits.
C’est pourquoi il y a vraiment une Chrétienté une (March Bloch) et ce qu’on peut appeler une civilisation de la chevalerie, du troubadour et du trouvère, de l’amour courtois.
Les croisades disent cette unité, puisqu’elles s’affirment comme des mouvements d’ensemble, des aventures, des passions collectives, communes à ces innombrables petites patries. »
Fernand Braudel – Grammaire des Civilisations (Champs histoire, Éd. Flammarion, Paris, p.428 à 430) – 1993 [1963 dans Le Monde actuel, histoire et civilisations, librairie Eugène Belin]
« Il convient effectivement, selon l’opinion de la plupart des gens que la Cité heureuse soit une grande cité; mais, même si c’est la vérité, ils ne savent pas ce qui caractérise un grand État et un petit; c’est, en effet, d’après l’importance du nombre de ses habitants qu’ils jugent de la grandeur d’un État, alors qu’il faut considérer moins le nombre que la puissance.Car une Cité, elle usai, a une fonction déterminée, et c’est la cité la plus capable de s’en acquitter qui doit être regardée comme la plus grande, au sens où l’on peut dire qu’Hippocrate, non comme homme, mais comme médecin, est plus grand qu’un individu qui le dépasse en taille.
Néanmoins, s’il faut décider eu égard au nombreuse habitants, on ne doit pas le faire d’après n’importe quelle multitude (les Cités, sans doute, comprennent forcément un bon nombre d’esclaves, de métèques et d’étrangers) mais, en ne tenant compte que de ceux qui sont une partie de la cité et dont un État se compose à titre d’éléments propres. C’est la supériorité numérique de ces éléments qui est le signée la grandeur d’une Cité; la Cité, au contraire, d’où sortent des travailleurs manuels en grand nombre, mais peu d’hoplites, ne peut pas être une grande Cité : une grande Cité et une Cité populeuse, ce n’est pas la même chose. »
Aristote – Politique, Tome III, Livre VII (Éd. Les Belles Lettres, Paris, p.69-70) – 2002 [345/344 av. J.C]
« Lorsque les pères s’habituent à laisser faire les enfants, lorsque les fils ne tiennent plus compte de leurs paroles, lorsque les maîtres tremblent devant leurs élèves et préfèrent les flatter, lorsque finalement les jeunes méprisent les lois parce qu’ils ne reconnaissent plus, au-dessus d’eux, l’autorité de rien et de personne, alors, c’est là, en toute beauté, et en toute jeunesse, le début de la tyrannie. »
Platon – La République Livre VIII (Les Belles Lettres, Paris) – 2002 [315 avant J.C.]
« La diversité d’origine peut aussi produire des révolutions jusqu’à ce que le mélange des races soit complet; car l’État ne peut pas plus se former du premier peuple venu, qu’il ne se forme dans une circonstance quelconque. Le plus souvent, ces changements politiques ont été causés par l’admission au droit de cité d’étrangers domiciliés dès longtemps, ou nouveaux arrivants. Les Achéens s’étaient réunis aux Trézéniens pour fonder Sybaris; mais étant bientôt devenus les plus nombreux, ils chassèrent les autres, crime que plus tard les Sybarites durent expier. Les Sybarites ne furent pas, du reste, mieux traités par leurs compagnons de colonie à Thurium; ils se firent chasser, parce qu’ils prétendaient s’emparer de la meilleure partie du territoire, comme si elle leur eût appartenu en propre. A Byzance, les colons nouvellement arrivés dressèrent un guet-apens aux citoyens; mais ils furent battus et forcés de se retirer.
Les Antisséens, après avoir reçu les exilés de Chios, durent s’en délivrer par une bataille. Les Zancléens furent expulsés de leur propre ville par les Samiens, qu’ils y avaient accueillis. Apollonie du Pont-Euxin eut à subir une sédition pour avoir accordé à des colons étrangers le droit de cité. A Syracuse, la discorde civile alla jusqu’au combat, parce que, après le renversement de la tyrannie, on avait fait citoyens les étrangers et les soldats mercenaires. A Amphipolis, l’hospitalité donnée à des colons de Chalcis devint fatale à la majorité des citoyens, qui se virent chasser de leur territoire. »
Aristote – Politique, Théorie générale des révolutions, Livre VIII, chapitre 1, paragraphe 10 et 11 (Éd. Librairie philosophique de Ladrange Paris) – 1874 [345/344 av. J.C]
» Le sens de l’héritage. Évaluer avec gratitude ce que l’on doit à ses ascendants : la parentèle, la patrie, le terreau spirituel, la langue, la civilisation, ses reflets dans une culture, un paysage, des monuments, des traditions, des codes, des grimoires.
[…] Se percevoir comme un maillon et non un en-soi muré dans son autosuffisance. »
Denis Tillinac – Du bonheur d’être réac (Éd. des Équateurs, p. 43) – 201
« L’homme n’a qu’un désir absolu, conserver son existence, s’affranchir de toute douleur, même de toute privation; ce qu’il veut, c’est la plus grande somme possible de bien-être, c’est la possession de toutes les jouissances qu’il est capable d’imaginer, et qu’il s’ingénie à varier et à développer sans cesse. Tout obstacle qui se dresse entre son égoïsme et ses convoitises excite son humeur, sa colère, sa haine : c’est un ennemi qu’il faut écraser. »
Arthur Schopenhauer – Douleurs du monde (Pensées et fragments, Petite Bibliothèque Rivages, p. 158 et 159) – 1990 [1885]
« La démocratie repose sur l’existence d’une solide hiérarchie; il faut à l’oligarchie de gros arrivistes, une troupe ardente de bas-officiers qui ne cesse de travailler dans l’intérêt de ses chefs et qui retire peu de profit matériel de son activité; il faut tenir en haleine cette sorte de petite noblesse, en lui prodiguant des marques de sympathie, en excitant chez elle des sentiments d’honneur, en lui parlant un langage idéaliste. La grandeur du pays, la domination des forces naturelles par la science, la marche de l’humanité vers la lumière, voilà les balivernes qui se retrouvent à tout instant chez nous, dans les discours des orateurs démocratiques. »
Georges Sorel – Les illusions du progrès (Études sur le devenir social, Librairie Marcel Rivière et Cie, Paris, 5e édition, p.265) – 1947 [1908]
« Par une simple altération, par une simple prétendue réforme des programmes de l’enseignement secondaire français, par le triomphe passager de quelques maniaques modernistes et scientistes français, généralement radicaux, quelques-uns socialistes professionnels, toute une culture, tout un monde… disparaît tout tranquillement et tout posément sous nos yeux de la face du monde et de la vie de l’humanité. Sous nos yeux, par nos soins disparaît la mémoire de la plus belle humanité. »
Charles Péguy – Pensées (Éd. nrf Gallimard, p.80)- 2007 [1905]
(tirée du septième Cahier de la septième série, les Suppléants parallèles, 17 décembre 1905)
« Ce qui rend le suffrage universel si dangereux, c’est qu’il peut fournir un piédestal à toutes les nullités et une absolution à tous les crimes. »
Achille Tournier – Pensées d’automne (Éd. Paul Ollendorff, 3ème édition, p. 96) – 1896 [1888]
« Chaque monde sera jugé sur ce qu’il a considéré comme négociable ou non négociable. Tout l’avilissement du monde moderne, c’est-à-dire toute la mise à bas prix du monde moderne, vient de ce que le monde moderne a considéré comme négociables des valeurs que le monde chrétien et le monde antique ont considéré comme non négociables. Et cette universelle négociation fait cet universel avilissement. »
Charles Peguy – Note conjointe sur M. Descartes (Éd. Gallimard, nrf ) – 1942 [1914]
« La fin de l’utopie marxiste laisse le champ libre à l’utopie immigrationniste et à l’idéologie antiraciste. […] Une utopie se reconstruit avec pour héros social un immigré sacralisé qui a chassé l’ouvrier dans l’imaginaire prophétique. L’immigrationnisme antiraciste déclare inévitable et bienfaisante la submersion lente du vieux pays, établissant ainsi – à l’instar du communisme – un lien entre l’avenir et une catégorie sociale. »
Paul Yonnet – Voyage au centre du malaise français. L’antiracisme et le roman national (Gallimard Paris, p.58 et 120) – 1993
« La peine de mort a ce grand avantage que peu d’hommes se vouent à ses fonctions odieuses et avilissantes. Il vaut mieux que ces agents déplorables d’une sévérité nécessaire […] se consacrent à l’affreux emploi d’exécuter quelques criminels, que si une multitude se condamnait à veiller sur les coupables et à se rendre l’instrument perpétuel de son [leur] malheur prolongé. […] Cette considération me porte à rejeter la détention perpétuelle. Elle corrompt les geôliers comme les détenus. Elle accoutume les prévenus à une férocité capricieuse. Elle est inséparable de beaucoup d’arbitraire. Elle peut couvrir de son voile une foule de cruautés. »
Benjamin Constant – Principes de politique (Hachette Paris, coll. Pluriel, p.166) – 2006 [1806]
« Pour moi, je crois que le roi a raison, et, puisqu’il faut servir, je pense qu’il vaut mieux le faire sous un lion de bonne maison, et qui est né beaucoup plus fort que moi, que sous deux cents rats de mon espèce. »
Voltaire – Lettre à Saint-Lambert du 7 avril 1771 (dans L’ancien régime et la Révolution de Tocqueville – coll. Bibliothèque de la Pléiade, Gallimard, p.193) – 2004 [1856]
« L’État, c’est ainsi que s’appelle le plus froid des montres froids et il ment froidement, et le mensonge que voici sort de sa bouche : « Moi, l’État, je suis le peuple ! ». »
Friedrich Nietzsche – Ainsi parlait Zarathoustra (GF-Flammarion) – 1996 [1885]
« La version européenne [de l’empire démocratique] est occupée à étendre toujours plus l’aire de la pure démocratie, d’une démocratie sans peuple,c’est-à-dire d’une gouvernance démocratique très respectueuse des droits de l’homme mais détachée de toute délibération collective. La version européenne de l’empire démocratique se signale par la radicalité avec laquelle elle détache la démocratie de tout peuple réel et construit un kratos dans dèmos. »
Pierre Manent – La raison des nations, Réflexions sur la démocratie en europe (Éd. L’Esprit de la Cité, Gallimard, p.16) – 2006
« Pour chaque homme sur cette terre
La mort vient tôt ou tard.
Et quelle plus belle mort
Que d’affronter ses ennemis,
Pour les cendres de ses ancêtres,
Et les temples de ses Dieux. »
Thomas Babington Macaulay – Lays of Ancient Rome (Éd. Longman) – 1881
« Une société est condamnée quand elle n’a plus la force d’être bornée. Comment, avec un esprit ouvert, trop ouvert, se garantirait-elle des excès, des risques mortels de la liberté ? »
Émile Cioran – De l’inconvénient d’être né (nfr essais, Gallimard) – 1973
« Je sens contre la bêtise de mon époque des flots de haine qui m’étouffent. Il me monte de la merde à la bouche comme dans les hernies étranglées. Mais je veux la garder, la figer, la durcir ; j’en veux faire une pâte dont je barbouillerai le dix-neuvième siècle, comme on dore de bouse de vache les pagodes indiennes, et qui sait ? cela durera peut-être ? Il ne faut qu’un rayon de soleil ! l’inspiration d’un moment, la chance d’un sujet ! »
Gustave Flaubert – Correspondance (Éd. Conard) – 1855
« (…) De l’éloge de la main, puis de la célébration de sa maladresse, on passera à la délectation de ses propres déchets, de tout ce qui peut tomber du corps, des rognures d’ongle aux humeurs les plus diverses.
Cette hystérisation du statut de l’artiste, jouissant d’une parfaite impunité, dont tout geste, tout mouvement, toute production, y compris et surtout les productions organiques, seront adorés par des foules immenses de spectateurs, participent de cette idolâtrie (…).
Détachées de leur origine et de leur fonction, les oeuvres de nos musées sont devenues nos idoles. »
Jean Clair – L’hiver de la culture (Café Voltaire, éd. Flammarion, p.117) – 2011
« Il n’y a point de plus cruelle tyrannie que celle que l’on exerce à l’ombre des lois et avec les couleurs de la justice, lorsqu’on va, pour ainsi dire, noyer des malheureux sur la planche même sur laquelle ils s’étaient sauvés. »
Charles Louis de Secondat de La Brède, baron de Montesquieu – Considérations sur les causes de la grandeur des Romains et de leur décadence (chez Jacques Desbordes) – 1734
« La traditon et l’avenir. – Laudator temporis acti ? Que m’importe donc le passé en tant que passé ? Ne voyez-vous pas que lorsque je pleure sur la rupture d’une tradition, c’est surtout à l’avenir que je pense ? Quand je vois se pourrir une racine, j’ai pitié des fleurs qui demain sécheront , faute de sève. »
Gustave Thibon – Notre regard qui manque à la lumière (Éd. Fayard) – 1970
« … on sera surpris et effrayé de voir comment, en Europe, tout semble concourir à accroître indéfiniment les prérogatives du pouvoir central et à rendre chaque jour l’existence individuelle plus faible, plus subordonnée et plus précaire.
(…) on dirait que chaque pas qu’elles (les nations démocratiques) font vers l’égalité les rapproche du despotisme.
(…) L’État reçoit et souvent prend l’enfant des bras de sa mère pour le confier à ses agents; c’est lui qui se charge d’inspirer à chaque génération des sentiments, et de lui fournir des idées. L’uniformité règne dans les études comme dans tout le reste; la diversité comme la liberté en disparaissent chaque jour.
(…) on dirait qu’ils se jugent responsables des actions et de la destinée individuelle de leurs sujets, qu’ils ont entrepris de conduire et d’éclairer chacun d’eux dans les différents actes de sa vie, et , au besoin de le rendre heureux malgré lui-même.
(…) J’affirme qu’il n’y a pas en Europe où l’administration publique ne soit devenue non seulement plus centralisée, mais plus inquisitive et plus détaillée; partout elle pénètre plus avant que jadis dans les affaires privées; (…) Nos contemporains sont incessamment travaillés par deux passions ennemies : ils sentent le besoin d’être conduits et l’envie de rester libre. Ne pouvant détruire ni l’un ni l’autre de ces instincts contraires, ils s’efforcent de les satisfaire à la fois tous les deux. Ils imaginent un pouvoir unique, tutélaire, tout-puissantmais élu par les citoyens.
(…) Il est, en effet, difficile de concevoir comment des hommes qui ont entièrement renoncé à l’habitude de se diriger eux-mêmes pourraient réussir à bien choisir ceux qui doivent les conduire.
(…) Le passé n’éclairant plus l’avenir, l’esprit marche dans les ténèbres. »
Alexis de Tocqueville – De la démocratie en Amérique (Gallimard Éd., NRF, coll. La Pléiade tome 2, 1992) – 1840
« Les vieillards d’autrefois étaient moins malheureux et moins isolés que ceux d’aujourd’hui : si, en demeurant sur la terre, ils avaient perdu leurs amis, peu de chose du reste avait changé autour d’eux ; étrangers à la jeunesse, ils ne l’étaient pas à la société. Maintenant, un traînard dans ce monde a non seulement vu mourir les hommes, mais vu mourir les idées : principes, moeurs, goûts, plaisirs, peines, sentiments, rien ne ressemble à ce qu’il a connu. Il est d’une race différente de l’espèce humaine au milieu de laquelle il achève ses jours.
Et pourtant, France du dix-neuvième siècle, apprenez à estimer cette vieille France qui vous valait. Vous deviendrez vieille à votre tour et l’on vous accusera, comme on nous accusait, de tenir à des idées surannées. Ce sont vos pères que vous avez vaincus ; ne les reniez pas, vous êtes sortis de leur sang. S’ils n’eussent été généreusement fidèles aux antiques moeurs, vous n’auriez pas puisé dans cette fidélité native l’énergie qui a fait votre gloire dans les moeurs nouvelles ; ce n’est, entre les deux Frances, qu’une transformation de vertu. »
François-René de Chateaubriand – Mémoires d’outre-tombe, Livre IX, chapitre 10 : Vie de soldat (Gallimard, NRF, coll. La Pléiade Tome 1) – 1951
« Il est certain que, à tous les degrés de la hiérarchie sociale, le bien-être moyen s’est accru, quoique cet accroissement n’ait peut-être pas toujours eu lieu selon les proportions les plus équitables. Le malaise dont nous souffrons ne vient donc pas de ce que les causes objectives de souffrances ont augmenté en nombre ou en intensité; il atteste, non pas une plus grande misère économique, mais une alarmante misère morale. »
Émile Durkheim – Le suicide (Presses Universitaires de France, coll. Bibliothèque de philosophie contemporaine, p.445) – 1960
« Faire résonner entre elles les cultures et les identités différentes », « favoriser les hybridations et les métissages », permettre l’ « insertion de la culture française dans un contexte international », « aller dans le sens de la globalisation », bref « brasser tous les héritages », cette rhétorique ampoulée, personne aujourd’hui n’y résiste p lus, pas même l’auteur de ces citations, directeur à Rome d’une Académie prestigieuse… Les bigots de « la nouvelle Culture » ne font là que tourner les moulins à prière de la modernité. « Ces missionnaires de l’esprit nouveau », répandus dans les instituts français à l’étranger, sont à notre temps ce qu’étaient les précepteurs au siècle des lumières, transfuges « qui traînent partout leur ignorance » et qu’un Joseph de Maistre avait qualifiés de « balayures de l’Europe ». »
Jean Clair – L’hiver de la culture (Café Voltaire, éd. Flammarion, p.44) – 2011
« Il est dans la tolérance un degré qui confine à l’injure. »
Jean Rostand – Pensées d’un biologiste (1939).
« Si un homme n’est pas prêt à lutter pour ses idées, soit ses idées ne valent rien, soit c’est lui qui ne vaut rien. »
Ezra Pound – Déclarations de Pound (citées par G. Singh in Ezra Pound. Florence. 1979, p.10) – 1945
« L’acte homosexuel n’est pas un acte sexuel. Il se fonde sur le reniement de la sexualité réelle et constitue le déjouement symbolique d’un besoin d’amour par le moyen du sexe. Une personne vraiment sexuelle est hétérosexuelle. (…) sans son partenaire, il (l’homosexuel) est plongé dans la souffrance qui est toujours présente mais qui est drainée par l’activité sexuelle. Le but recherché n’est cependant pas le sexe, c’est l’amour.
(…) Je crois qu’il est essentiel de considérer les déviations sexuelles comme faisant partie d’une névrose totale, et non comme un comportement spécial et bizarre, détaché de la personnalité dans son ensemble. Mais je ne crois pas que l’on ait besoin d’un spécialiste de l’homosexualité pour soigner le sujet, pas plus que l’on a besoin d’un spécialiste pour traiter les autres fuites devant la souffrance.
Il ne s’agit pas, pour soigner l’homosexualité, de donner au sujet un comportement d’homme ou de femme. Il s’agit, à mon avis, de provoquer un comportement réel.
(…) Pour ma part, je ne considère pas que l’homosexualité soit différente de n’importe qu’elle autre forme de névrose, sauf par le degré pathologique. Ce qui veut dire que si l’on est capable de guérir une névrose, on devrait être capable de les guérir toutes. »
Dr Arthur Janov – Le cri primal (Champs, éd. Flammarion) – 1970
« Quand les choses, les événements renvoient les uns aux autres et à leur concept indifférencié, alors l’équivalence du monde rencontre et annule l’indifférence de la pensée _ et c’est l’ennui. Même plus d’altercation, même plus d’enjeu. C’est le partage des eaux mortes.
(…) L’ennui formel que secrète cette pensée idéaliste des valeurs, ou cette pensée volontariste de la culture, est le signe secret de son désespoir non par rapport au monde, mais par rapport à son propre discours.
C’est là qu’est la véritable pensée dépressive, chez ceux qui ne parlent que de dépassement et de transformation du monde, alors qu’ils sont incapables de transfigurer leur propre langue. »
Jean Baudrillard – La pensée radicale (éd. Sens&Tonka) – 2005
« Grande religion qui se fonde moins sur l’évidence d’une révélation que sur l’impuissance à nouer des liens au-dehors. En face de la bienveillance universelle du bouddhisme, du désir chrétien du dialogue, l’intolérance musulmane adopte une forme inconsciente chez ceux qui s’en rendent coupables ; car s’ils ne cherchent pas toujours, de façon brutale, à amener autrui à partager leur vérité, ils sont pourtant (et c’est plus grave) incapables de supporter l’existence d’autrui comme autrui. Le seul moyen pour eux de se mettre à l’abri du doute et de l’humiliation consiste dans une “néantisation” d’autrui, considéré comme témoin d’une autre foi et d’une autre conduite. La fraternité islamique est la converse d’une exclusive contre les infidèles qui ne peut pas s’avouer, puisque en se reconnaissant comme telle, elle équivaudrait à les reconnaître eux-mêmes comme existants. »
« […] Déjà, l’Islam me déconcertait par une attitude envers l’histoire contradictoire à la nôtre et contradictoire en elle-même : le souci de fonder une tradition s’accompagnait d’un appétit destructeur de toutes les traditions antérieures. Chaque monarque avait voulu créer l’impérissable en abolissant la durée. »
Claude Levi-Strauss – Tristes tropiques – 1955
« Quand le diable m’offrirait tout le Nouveau Monde, il ne me ferait pas renoncer à la partie de l’ancien où j’ai eu le bonheur de naître, et où j’ai eu celui de vivre. Il n’y a rien à mon gré de si charmant que d’être Auvergnat et même de la Haute-Auvergne. »
Gilbert du Motier de Lafayette – Lettre au marquis de Poix de Hartford – 12 octobre 1784.
« …les libertés publiques ont pour base et pour sauvegarde les moeurs domestiques; que les mêmes maximes par lesquelles on détruit les droits des peuples sont celles par lesquelles vous et vos coryphées vous renversez l’ordre des familles;… cette pornocratie qui depuis trente ans a fait reculer en France la pudeur publique, et qui, à force d’équivoques et à l’aide de la corruption la plus subtile, s’est constituée partout des avocats, des philosophes, des poètes et des dévots…
Le mariage, dans la pureté de son idée, est un pacte de dévouement absolu. Le plaisir n’y figure qu’en second ordre… le mariage devient pour les époux un culte de la conscience, et pour la société l’organe même de la justice… le concubinat, soit l’union de l’homme et de la femme, secrète ou solennelle, mais formée seulement en vue du plaisir, bien que dans certains cas excusable, est le repaire habituel des parasites, des voleurs, des faussaires et des assassins.
… J’ai blâmé avec toute l’énergie dont j’étais capable, la séduction, l’adultère, l’inceste, le stupre, le viol, la prostitution, tous les crimes et délits contre le mariage et la famille, j’eusse dû dire contre la femme. Je les ai dénoncés comme les signes et les instruments du despotisme…
Changez, modifiez, ou intervertissez, par un moyen quelconque, ce rapport des sexes, vous détruisez le mariage dans son essence; d’une société en prédominance de justice vous faites une société en prédominance d’amour; vous retombez dans le concubinat et la papillonne; vous pouvez avoir encore des pères et des mères, comme vous avez des amants, mais vous n’aurez plus de famille; et sans famille, votre constitution politique ne sera plus une fédération d’hommes, de familles et de cités libres, ce sera un communisme théocratique ou pornocratique, la pire des tyrannies.
… Établissez, avec la communauté des amours, l’universalité du célibat, et je ne crains pas de le dire, vous aurez un surcroît de consommation, moins de travail, moins d’épargne, partant plus de misère; en dernière analyse, à la place d’une société policée, une société vouée au brigandage ou, sinon, à la plus dégradante servitude. »
Pierre-Joseph Proudhon – La pornocratie ou les femmes dans les temps modernes – 1875 (Librairie internationale – Éditeurs A. Lacroix et Cie)
« Ce n’est pas l’abondance de la science qui rassasie l’âme et la satisfait : c’est le sentiment et le goût intérieur des vérités qu’elle médite. »
Saint-Ignace de Loyola – Exercices spirituels – 1548
« La société est une hiérarchie. Tous les individus sont nobles et sacrés, tous les êtres (même les animaux)ont des droits, mais tous les êtres ne sont pas égaux, tous sont des membres d’un vaste corps, des parties d’un immense organisme qui accomplit un travail divin…
La vie humaine deviendrait impossible, si l’homme ne se donnait le droit de subordonner l’animal à ses besoins; elle ne serait guère plus possible, si l’on s’en tenait à cette conception abstraite qui fait envisager tous les hommes comme apportant en naissant un même droit à la fortune et aux rangs sociaux. »
Ernest Renan – La Monarchie constitutionnelle en France – 1870 (p. 22 – Éditeurs Michel Lévy Frères)
« Plus on prendra de soin pour ravir aux hommes la liberté de la parole, plus obstinément ils résisteront, non pas les avides, les flatteurs et les autres hommes sans force morale, pour qui le salut suprême consiste à contempler des écus dans une cassette et à avoir le ventre trop rempli, mais ceux à qui une bonne éducation, la pureté des moeurs et la vertu donnent un peu de liberté.
Les hommes sont ainsi faits qu’ils ne supportent rien plus malaisément que de voir les opinions qu’ils croient vraies tenues pour criminelles (…) ; par où il arrive qu’ils en viennent à détester les lois, à tout oser contre les magistrats, à juger non pas honteux, mais très beau, d’émouvoir des séditions pour une telle cause et de tenter quelle entreprise violente que ce soit. Puis donc que telle est la nature humaine, il est évident que les lois concernant les opinions menacent non les criminels mais les hommes de caractère indépendant, qu’elles sont faites moins pour contenir les méchants que pour irriter les plus honnêtes, et qu’elles ne peuvent être maintenues en conséquence sans grand danger pour l’État. »
Spinoza – Traité théologico-politique (1670)
« le gouvernement de la multitude [démocratie] est débile en tout et sans grande puissance non plus, ni pour le bien, ni pour le mal, si on le compare aux autres, parce que dans ce gouvernement l’autorité est émietté entre un grand nombre d’individu. »
Platon
« Il ne faut pas se dissimuler que la notion de civilisation mondiale est fort pauvre, schématique, et que son contenu intellectuel et affectif n’offre pas une grande densité.
…La civilisation mondiale ne saurait être autre chose que la coalition, à l’échelle mondiale, de cultures préservant chacune son originalité. »
Claude Lévi-Strauss – Race et histoire (p.76-77, folioessais)
« La tolérance que l’on remarque et que l’on loue souvent chez les grands hommes n’est toujours que le résultat du plus grand mépris pour les autres hommes : un grand esprit tout à fait pénétré de ce mépris cesse de considérer les hommes comme ses semblables, et d’exiger d’eux ce que l’on exige de ses semblables. Il est aussi tolérant à leur égard qu’à l’égard des animaux… »
Arthur Schopenhauer – Douleurs du monde
« Le but des Anciens était le partage du pouvoir social entre tous les citoyens d’une même patrie. C’était là ce qu’ils nommaient liberté. Le but des Modernes est la sécurité dans les jouissances privées; et ils nomment liberté les garanties accordées par les institutions à ces jouissances.
(…) Que ne nous dit-on pas sur la nécessité de permettre que le gouvernement s’empare des générations naissantes pour les façonner à son gré, et de quelles citations érudites n’appuie-t-on pas cette théorie ! (…)
(…) Ces éléments (qu’ils disent les seuls appropriés à la situation du monde actuel) sont des préjugés pour effrayer les hommes de l’égoïsme pour les corrompre, de la frivolité pour les étourdir, des plaisirs grossiers pour les dégrader, du despotisme pour les conduire; et, il faut bien, des connaissances positive s et des sciences exactes pour servir plus adroitement le despotisme. »
Benjamin CONSTANT – De la Liberté des Anciens comparée à celle des Modernes
« …La jeunesse romaine ne devait pas fréquenter des esprits aussi dissolvants.
Sur le plan moral, Carnéade et ses compagnons étaient aussi redoutables que les Carthaginois sur le plan militaire. Les nations montantes craignent par-dessus tout l’absence de préjugés et d’interdits, l’impudeur intellectuelle, qui fait l’attrait des civilisations finissantes. »
Emil Cioran – De l’inconvénient d’être né (nrf essais Gallimard, p.157)
« En politique, les choses ont moins d’importance que leurs noms. Déguiser sous des mots bien choisis, les théories les plus absurdes , suffit souvent à les faire accepter »
Gustave Le Bon – Aphorismes du temps présent
« J’aime les paysans, ils ne sont pas assez savants pour raisonner de travers »
Montesquieu – Mes pensées
« Droits égaux pour tous – c’est la plus merveilleuse injustice ; car ce sont les hommes supérieurs qui pâtissent de ce régime »
Friedrich Nietzsche – Ainsi parlait Zarathoustra
« La vertu est quelque chose de grand, d’élevé, de souverain, d’invincible, d’infatigable; le plaisir quelque chose de bas, de servile, de faible, de périssable, dont le séjour et l’asile sont les lieux de prostitution et les tavernes. Tu trouveras la vertu dans le temple, le forum, la curie, debout sur les remparts, couverte de poussière, le visage hâlé, les mains calleuses : le plaisir, tu le trouveras le plus souvent caché, cherchant les ténèbres, rôdant autour des bains, des étuves, des lieux, qui redoutent l’édile, faible et mou, humecté de vin et de parfums, pâle ou fardé, et souillé de cosmétiques »
Sénèque – La vie heureuse