La folie du progrès

Survivre_au_progres

« Un homme sensé, même s’il a un peu chaud, n’ouvre pas l’outre d’Éole pour se procurer un léger zéphyr.

Le premier bienfait d’une société policée est dans la stabilité qu’elle assure à tous, de sorte qu’il n’est pas un de ses membres, même parmi les moins défavorisés, qui dans le présent, ne se trouve le maître d’un peu d’avenir.

Cette stabilité s’oppose à la folie du progrès, puisqu’elle substitue la jouissance d’un bien réel à la poursuite d’un bien imaginaire, mais loin d’être contraire aux améliorations véritables, elle seule les permet. »

Abel BonnardLe drame du présent, Les Modérés (Éd. Bernard Grasset, Paris, 25e édition,  p. 24) – 1936

Les faux fascismes et le vrai…

 » Il naîtra de faux fascismes. Car la démocratie est fourbue. Dans son agonie, elle aura des sueurs et des cauchemars : et ces cauchemars seront des tyrannies brutales, hargneuses, désordonnées.

Il y aura des fascismes de l’antifascisme. Il y aura des « dictateurs de la gauche ». Et nous verrons s’élever au nom de la défense des républiques, des régimes qui auront pour maxime de refuser la liberté aux « ennemis de la liberté ». Nous le savons. Et c’est pourquoi nous savons aussi que c’est mensonge et vanité de définir le fascisme par des caractères extérieurs.

La suppression de la liberté, les arrestations arbitraires, les camps de concentration, la torture qu’on prétend rejeter sur le fascisme, sont tout aussi bien et tout aussi souvent le propre des régimes dirigés contre le « danger fasciste ».

Tous les caractères extérieurs par lesquels les adversaires du fascisme le définissent, ils se retrouvent ou peuvent se retrouver dans les régimes antifascistes : c’est qu’ils ne définissent pas le fascisme qui, finalement, est une manière de réagir, un tempérament, une manière d’être, incarnée dans un certain type d’hommes.

C’est ce type d’hommes, c’est cette attitude devant la vie qui, au fond, commandent toutes les réactions fascistes et les formes, diverses selon les peuples, que le fascisme a prises et prendra dans l’histoire. Là où ces hommes dirigent, là où leur esprit inspire l’action de pouvoir, il y a un régime fasciste.

Au contraire, lorsqu’ ils sont persécutés ou combattus, quoi qu’on vous dise et quelque bruit que fasse la trique en tournoyant, reconnaissez les signes de la décomposition, de la décadence et le règne de l’or et des pharaons de l’étranger.

Voulez vous reconnaître à coup sûr et instantané le faux fascisme ?

Vous le reconnaîtrez à ces signes : il emprisonne au nom des droits de la personne humaine et il prêche le progrès, mais il respecte les milliards et les banques sont avec lui. Ne cherchez pas plus loin. Vous verrez quelques mois plus tard le faux fascisme faire la chasse au courage, à l’énergie, à la propreté.

Il vous dévoilera ainsi son vrai visage. Il a besoin d’esclaves assez abrutis pour ne pas trop sentir leur collier.  »

Maurice BardècheQu’est-ce que le fascisme ? (Éd. Les Sept couleurs, Paris) – 1961

Le monde contre les robots

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Hier soir, je suis tombé par hasard sur un film d’animation dont je n’avais pas entendu parlé lors de sa sortie en salles obscures.

Étrange… mais peu importe.MystIIICover

J’ai été agréablement surpris par sa qualité et son atmosphère particulière qui m’a rappeléhorologiom,-tome-5---le-grand-rouage-377995 à la fois la bande-dessinée Horologiom et la série du jeu sur PC Myst,tous deux empreints d’une ambiance insolite et mystérieuse où la froideur mécanique se mélange à la noblesse du bois et des tissus anciens.

Bien que le scénario ne soit pas révolutionnaire, ce film vaut le détour non pas pour ces quelques passages faisant référence au régime nazi (avec notamment des machines articulées rappelant celles de la « Guerre des étoiles » mais avec une un habitacle en forme de casque allemand)AT-ST_negvvnumero-9-9-affiches-13-images-L-12ou à certains moments de la « Guerre des Mondes » de H. G. Wells, mais à sa mise en valeur de l’âme humaine, du danger du progrès qui même pour la bonne cause fini toujours par se retourner contre ses adeptes.

Les jusqu’au-boutistes du progrès le payent un jour ou l’autre qu’il s’agisse des progrès scientifiques (PMA, GPA, puces électroniques,…) que les soi-disants progrès sociétaux (égalité pour tout et pour tous, multiculturalisme,…).

Le curieux dans tout cela, et là se trouve l’objet réel de ce billet, est la montée au créneau la veille de tout une tripotée de scientifiques (surtout des chercheurs en Intelligence Artificielle, IA) et autres intellectuels pour dénoncer la course à l’armement robotisé et intelligent.

Morgane Tual dans Le Monde du 27 juillet 2015 « Stephen Hawking et Elon Musk réclament l’interdiction des « robots tueurs » » nous donne de nombreuses précisions et rappelle que « l’intelligence artificielle a atteint un point où le déploiement de tels systèmes sera – matériellement, si pas légalement – faisable d’ici quelques années, et non décennies, et les enjeux sont importants : les armes autonomes ont été décrites comme la troisième révolution dans les techniques de guerre, après la poudre à canon et les armes nucléaires. ».

Dans Les Échos du 28 juillet 2015 «  »Robots tueurs » : la mise en garde des grands noms de la tech », Aurélie Abadie nous rapporte que : « […] dans une tribune publiée à l’occasion de l’IJCAI , la conférence internationale sur l’intelligence artificielle qui se tient à Buenos Aires, plus de 1.000 experts mettent en garde contre le développement de robots autonomes, capables de sélectionner et d’attaquer des cibles, sans intervention humaine.
Dans cette lettre ouverte, de grands noms de la tech comme Elon Musk, le PDG de Tesla, et Steve Wozniak, le co-fondateur de Apple,ou encore l’astrophysicien britannique Stephen Hawking appellent à interdire cette technologie […]. »

Nous sommes aujourd’hui devant un nouveau problème éthique, encore un devons-nous dire, posé par les avancées des techniques et technologies, et il va falloir faire des choix…

Je pense alors à une fantastique écrivain visionnaire qui dans « La France contre les robots » écrit entre autres clairvoyants et édifiants paragraphes :I-Grande-121282-la-france-contre-les-robots.net « En parlant ainsi, je me moque de scandaliser les esprits faibles qui opposent aux réalités des mots déjà dangereusement vidés de leur substance, comme par exemple celui de Démocratie. Qu’importe !

Si vous êtes trop lâches pour regarder ce monde en face afin de le voir tel qu’il est, détournez les yeux, tendez les mains à ses chaînes. Ne vous rendez pas ridicules en prétendant y voir ce qui n’existe que dans votre imagination ou dans le bavardage des avocats. Ne commettez pas surtout l’infamie de lui prostituer le mot de révolution, ce mot religieux, ce mot sacré, tout ruisselant à travers les siècles du sang des hommes.

Ne lui prostituez pas non plus le mot de progrès. Jamais un système n’a été plus fermé que celui-ci, n’a offert moins de perspectives de transformations, de changements, et les catastrophes qui s’y succèdent, avec une régularité monotone, n’ont précisément ce caractère de gravité que parce qu’elles s’y passent en vase clos. Qu’il s’intitule capitaliste ou socialiste, ce monde s’est fondé sur une certaine conception de l’homme, commune aux économistes anglais du XVIlle siècle, comme à Marx ou à Lénine.

On a dit parfois de l’homme qu’il était un animal religieux. Le système l’a défini une fois pour toutes un animal économique, non seulement l’esclave mais l’objet, la matière presque inerte, irresponsable, du déterminisme économique, et sans espoir de s’en affranchir, puisqu’il ne connaît d’autre mobile certain que l’intérêt, le profit.

Rivé à lui-même par l’égoïsme, l’individu n’apparaît plus que comme une quantité négligeable, soumise à la loi des grands nombres ; on ne saurait prétendre l’employer que par masses, grâce à la connaissance des lois qui le régissent. Ainsi, le progrès n’est plus dans l’homme, il est dans la technique, dans le perfectionnement des méthodes capables de permettre une utilisation chaque jour plus efficace du matériel humain. »

L’homme au service d’un système comme un simple outil et soumis à la machine, à la technologie…  vous croyez ??!!!…

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Fatalité scientifique

 » Plongeons plus avant dans l’avenir. Un jour viendra, tout semble le dire, où, de progrès en progrès, l’homme succombera, tué par l’excès de ce qu’il appelle la civilisation. Trop ardent à faire le dieu, il ne peut espérer la placide longévité de la bête; […].  »

Jean-Henri FabreSouvenirs entomologiques, études sur l’instinct et les moeurs des insectes (Éd. Delagrave, Paris, Série VI, p.203) – 1900

Mythologie progressiste

« La mythologie du progrès repose sur l’idolâtrie du nouveau »

Entretien du 1er avril 2014 avec Alain de Benoist.

montage AlainDeBenoist citation

À chaque élection, les hommes de gauche prétendent rassembler les « forces de progrès ». Mais un cancer peut, lui aussi, progresser ! Le progrès serait-il une fin en soi ?

Les malheureux ne savent même plus de quoi ils parlent ! Historiquement, l’idée de progrès se formule autour de 1680, avant de se préciser au siècle suivant chez des hommes comme Turgot ou Condorcet. Le progrès se définit alors comme un processus accumulant des étapes, dont la plus récente est toujours jugée préférable et meilleure, c’est-à-dire qualitativement supérieure à celle qui l’a précédée. Cette définition comprend un élément descriptif (un changement intervient dans une direction donnée) et un élément axiologique (cette progression est interprétée comme une amélioration). Il s’agit donc d’un changement orienté, et orienté vers le mieux, à la fois nécessaire (on n’arrête pas le progrès) et irréversible (il n’y a pas de retour en arrière possible). L’amélioration étant inéluctable, il s’en déduit que demain sera toujours meilleur.

Pour les hommes des Lumières, étant donné que l’homme agira à l’avenir de façon toujours plus « éclairée », la raison se perfectionnera et l’humanité deviendra elle-même moralement meilleure. Le progrès, loin de n’affecter que le cadre extérieur de l’existence, transformera donc l’homme lui-même. C’est ce que Condorcet exprime en ces termes : « La masse totale du genre humain marche toujours à une perfection plus grande. »

La mythologie du progrès repose ainsi sur l’idolâtrie du nouveau, puisque toute nouveauté est a priori jugée meilleure du seul fait qu’elle est nouvelle. La conséquence en est le discrédit du passé, qui ne peut plus être regardé comme porteur d’exemples ou de leçons. La comparaison du présent et du passé, toujours à l’avantage du premier, permet du même coup de dévoiler le mouvement de l’avenir. La tradition étant perçue comme faisant, par nature, obstacle au progrès, l’humanité doit s’affranchir de tout ce qui pourrait l’entraver : s’arracher aux « préjugés », aux « superstitions », au « poids du passé ». C’est déjà tout le programme de Vincent Peillon ! À l’hétéronomie par le passé, on substitue en fait une hétéronomie par l’avenir : c’est désormais le futur radieux qui est censé justifier la vie des hommes.

En ce sens, la « réaction » peut faire figure de sain réflexe, mais ne raisonner qu’en « contre », n’est-ce pas abandonner toute pensée autonome ?
La « réaction » est saine quand elle nourrit l’esprit critique, plus discutable quand elle se borne à dire que « c’était mieux avant ». La critique de l’idée de progrès, qui à l’époque moderne commence chez Rousseau, représente souvent le double négatif – le reflet spéculaire – de la théorie du progrès. L’idée d’un mouvement nécessaire de l’histoire est conservée, mais dans une perspective inversée : l’histoire est interprétée, non comme progression perpétuelle, mais comme régression généralisée. La notion de décadence ou de déclin apparaît en fait tout aussi peu objectivable que celle de progrès. En outre, comme vous le dites, se borner à raisonner en « contre », c’est encore rester dépendant de ce à quoi on s’oppose. C’est en ce sens que Walter Benjamin pouvait dire que « l’antifascisme fait partie du fascisme »…

La suite se trouve chez VoxNR (entretien découvert sur La Dissidence Française).

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Dissolution progressiste

« Notre siècle ne croit plus à l’individu, au citoyen isolé, à l’homme, en un mot. Il ne croit plus qu’aux forces ou masses collectives, qu’elles soient nationales, militaires, industrielles, financières ou électives.

La force de l’antiquité, suivant la remarque profonde de Michelet, tenait à cette croyance que l’homme fait son destin lui-même; aujourd’hui l’homme diminue et s’efface n’ayant pas de force et d’action que par le groupe, l’association auxquels il appartient et dont il n’est plus qu’un rouage ou un atome.

Le progrès organise ainsi lentement, mais sûrement, des despotismes d’un nouveau genre, dont l’avenir seul pourra mesurer l’étendue et connaître la pesanteur. »

Achille TournierPensées d’automne (Éd. Paul Ollendorff Paris, p.197 et 198) – 1896