Ochlocratie ou le pouvoir des imbéciles…

(Modliszki de Jaroslaw Kukowski, en couverture)
Fabrizio Tribuzio-Bugatti dans Démocratie ? (Krisis, n°50, septembre 2020, p.4 )

Ceci ne cesse de se vérifier depuis des décennies et d’autant plus avec l’avénement des réseaux sociaux avec ses nuées de procureurs et d’inquisiteurs de toute sorte qu’Umberto Eco critiquait déjà à l’époque de leur émergence !!!

« Les réseaux sociaux ont donné le droit à la parole à des légions d’imbéciles qui avant ne parlaient qu’au bar et ne causaient aucun tort à la collectivité. On les faisait taire tout de suite. Aujourd’hui ils ont le même droit de parole qu’un prix Nobel« .

Ce qui me paraît aberrant, c’est l’adhésion massive de trop nombreuses personnalités, parfois brillantes, à ce type de fonctionnement sociétal avec les démissions, les repentances voire les bannissements multiples et variés que cette ochlocratie génère !

Plus je vieillis (je viens de faire 49 ans en début de mois), plus j’exècre les masses humaines modernes et je conchie le système démocratique tel que nous le connaissons. Je suis vraiment bien heureux, comme Alexandre, de me tenir loin des Faces-de-Boucs et autres Twitter, et d’habiter un département aussi isolé que la Lozère. Pourvu que ça dure !

De la nécessité d’hoplites

« Il convient effectivement, selon l’opinion de la plupart des gens que la Cité heureuse soit une grande cité; mais, même si c’est la vérité, ils ne savent pas ce qui caractérise un grand État et un petit; c’est, en effet, d’après l’importance du nombre de ses habitants qu’ils jugent de la grandeur d’un État, alors qu’il faut considérer moins le nombre que la puissance.Car une Cité, elle usai, a une fonction déterminée, et c’est la cité la plus capable de s’en acquitter qui doit être regardée comme la plus grande, au sens où l’on peut dire qu’Hippocrate, non comme homme, mais comme médecin, est plus grand qu’un individu qui le dépasse en taille.

Néanmoins, s’il faut décider eu égard au nombreuse habitants, on ne doit pas le faire d’après n’importe quelle multitude (les Cités, sans doute, comprennent forcément un bon nombre d’esclaves, de métèques et d’étrangers) mais, en ne tenant compte que de ceux qui sont une partie de la cité et dont un État se compose à titre d’éléments propres. C’est la supériorité numérique de ces éléments qui est le signée la grandeur d’une Cité; la Cité, au contraire, d’où sortent des travailleurs manuels en grand nombre, mais peu d’hoplites, ne peut pas être une grande Cité : une grande Cité et une Cité populeuse, ce n’est pas la même chose. »

AristotePolitique, Tome III, Livre VII (Éd. Les Belles Lettres, Paris, p.69-70) – 2002 [345/344 av. J.C]

Antique sentence

« La diversité d’origine peut aussi produire des révolutions jusqu’à ce que le mélange des races soit complet; car l’État ne peut pas plus se former du premier peuple venu, qu’il ne se forme dans une circonstance quelconque. Le plus souvent, ces changements politiques ont été causés par l’admission au droit de cité d’étrangers domiciliés dès longtemps, ou nouveaux arrivants. Les Achéens s’étaient réunis aux Trézéniens pour fonder Sybaris; mais étant bientôt devenus les plus nombreux, ils chassèrent les autres, crime que plus tard les Sybarites durent expier. Les Sybarites ne furent pas, du reste, mieux traités par leurs compagnons de colonie à Thurium; ils se firent chasser, parce qu’ils prétendaient s’emparer de la meilleure partie du territoire, comme si elle leur eût appartenu en propre. A Byzance, les colons nouvellement arrivés dressèrent un guet-apens aux citoyens; mais ils furent battus et forcés de se retirer.

Les Antisséens, après avoir reçu les exilés de Chios, durent s’en délivrer par une bataille. Les Zancléens furent expulsés de leur propre ville par les Samiens, qu’ils y avaient accueillis. Apollonie du Pont-Euxin eut à subir une sédition pour avoir accordé à des colons étrangers le droit de cité. A Syracuse, la discorde civile alla jusqu’au combat, parce que, après le renversement de la tyrannie, on avait fait citoyens les étrangers et les soldats mercenaires. A Amphipolis, l’hospitalité donnée à des colons de Chalcis devint fatale à la majorité des citoyens, qui se virent chasser de leur territoire. »

AristotePolitique, Théorie générale des révolutions, Livre VIII, chapitre 1, paragraphe 10 et 11 (Éd. Librairie philosophique de Ladrange Paris) – 1874 [345/344 av. J.C]

Hanoho et Platon

montage Platon Aristote

(Platon à droite et Aristote à gauche, peinture École d’Athènes de Raphaël – 1509)

La lecture des textes antiques, en plus de vous procurer les mêmes curieuses sensations de profondes familiarités que celles ressenties en présence de vieilles photos poussiéreuses, légèrement jaunies, de vos ascendants sorties par hasard d’une ancestrale boite à chaussureunic_chaussures_p..._650x650-15229e8 (image sans rapport avec le billet mais je l’aime bien, voilà !), vous fait prendre conscience à la fois des fantastiques capacités de prémonition de leurs auteurs quant aux époques modernoeuds (Goux copyright) et des incroyables bonds en arrière que nous réalisons quant à la Morale qu’ils avaient mise en place, fruit de réflexions séculaires.

J’avais déjà publié au mois de décembre dernier une citation de Sénèque qui est, pour moi, une référence morale et qui représente idéalement cette période philosophique en quête de vertu.

Mais c’est en flânant du côté de chez Hanoho que m’est venu l’envie de faire un peu de réclame pour ces auteurs de l’Antiquité et de laisser tomber temporairement « Douleurs du monde » de Schopenhauer pour jeter un oeil sur le « Politique » de Platon qu’il nous conseille vivement, ainsi que « Éthique de Nicomaque » d’Aristote.

Hanoho nous explique que « dans cette ambiance délétère, il est toujours intéressant de se souvenir de ce que pensaient les philosophes antiques, et quel était le consensus au sein des civilisations passées car, comme le dit l’adage, pour comprendre le présent et le futur, il faut apprendre le passé. Voici donc quelques citations qui proviennent du Politique de Platon et qui, étrangement, résonnent en moi comme un rappel de ce que j’ai pu lire dans certains livres interdits. »

Le reste est à découvrir ici.

Au détour d’un commentaire lié à son billet, j’ai aussi été interpellé sur une des explications, parmi beaucoup d’autres, des moyens mis en oeuvre pour que notre civilisation se suicide à petit feu : l’abandon progressif de l’apprentissage des langues dites mortes, langues fondatrices de notre civilisation.

« Je mets ici un extrait de « Greece & Rome » publié aux Cambridge University Press et traduit par mes soins:

« Les années 1950 représentent la dernière décennie complète du XXe siècle dans le lequel l’enseignement du latin dans les écoles secondaires a été dominée par les exigences universitaires. En 1960, les universités d’Oxford et de Cambridge ont cesser de réclamer un certificat de niveau élémentaire en Latin comme qualification d’entrée pour les étudiants de premier cycle. Cela eut des conséquences profondes et de grande portée pour l’enseignement du latin et des œuvres classiques dans les écoles. »

Sachant que le latin fut la langue européenne par essence du monde érudit et aussi celle de l’église catholique, la guerre qui fut menée contre cette langue et les oeuvres classiques par une certaine oligarchie internationaliste et anti-chrétienté donne un tableau d’ensemble plutôt cohérent. »

Mise en lumière intéressante.

Pour finir, je vous laisse avec cette citation tellement d’actualité tirée de l’oeuvre de Platon : « le gouvernement de la multitude [démocratie] est débile en tout et sans grande puissance non plus, ni pour le bien, ni pour le mal, si on le compare aux autres, parce que dans ce gouvernement l’autorité est émietté entre un grand nombre d’individu. »