La masse ne sait rien !

montage masse ne sait rien

« La masse sait qu’elle ne sait rien, et elle n’a pas envie de savoir. La masse sait qu’elle ne peut rien, et elle n’a pas envie de pouvoir. On lui reproche violemment cette marque de stupidité et de passivité.

Mais pas du tout: la masse est très snob, elle fait comme Brummel [il avait un serviteur pour choisir à sa place devant un paysage splendide… »Which Lake do I préféré ? »] et délègue souverainement la faculté de choisir à quelqu’un d’autre, par une sorte de jeu d’irresponsabilité, de défi ironique, d’involuté souveraine, de ruse secrète.`

Tous les médiateurs (politiques, intellectuels, héritiers des philosophes des Lumières dans la contemption des masses) ne serviraient au fond qu’à ceci : gérer par délégation, par procuration, cette affaire fastidieuse du pouvoir et de la volonté, délester les masses de cette transcendance pour leur plus grand plaisir et leur en offrir le spectacle par surcroît.

Vicarious : tel serait, pour reprendre le concept de Veblen, le statut de ces classes « privilégiées », dont la volonté serait détournée à leur insu vers les finalités secrètes des masses mêmes qu’elles méprisent. »

Jean BaudrillardLes stratégies fatales (Éd. Grasset et Fasquelle, coll. Figures, p. 138) – 1983

Assistanat thérapeutique

« Dans un monde où l’énergie de la scène publique, l’énergie du social comme mythe et comme illusion (dont l’intensité est maximale dans les utopies) est en voie de disparition, le social se fait monstrueux et obèse, il se dilate à la dimension d’une niche, d’un corps mammaire, cellulaire, glandulaire, qui jadis, s’illustrait dans ses héros, et aujourd’hui s’indexe sur ses handicapés, ses tarés, ses dégénérés, ses débiles, ses asociaux, dans un gigantesque entreprise de maternage thérapeutique. »

Jean BaudrillardLes stratégies fatales (Éd. Grasset et Fasquelle, coll. Figures, Paris, p. 79) – 1983

Pitreries radiophoniques

montage RTL saluts cons

Comment un type de l’envergure d’Yves Calvi, que je considère comme un des rares journalistes honnêtes du PAF, a-t-il pu se fourvoyer dans une publicité aussi pitoyable que ridicule, relevant de la bouffonnerie digne de l' »humour » lamentable et raté du triste maniéré Ruquier ??!!!…

Seul l’appât d’un cachet intéressant peut expliquer un tel degré d’abaissement d’un individu qui devrait se considérer comme un  représentant de la réflexion politique, de l’analyse d’évènements complexes, et qui à ce titre se doit de garder dignité et sérieux.

Mais a priori, tout ce cirque fonctionne puisque RTL confirme son redressement selon Le Figaro du 14 janvier 2015 puisqu’elle est revenue à la première place des généralistes… en même temps, elle est au coude à coude avec NRJ dont la matinale avec Manu, demeuré qui s’ignore, ce qui n’est franchement pas une référence.

L’audiométrie n’est pas gage de qualité, elle démontre juste qu’elle plaît à une masse.

Calvi et Ruquier ont grappillé du pourcentage d’audience… mais quelle audience ??!!!…

Je ne préfère pas me fier à la publicité ci-après pour répondre à cette douloureuse question !

Encore une fois, la société du spectacle de Debord démontre sa suprématie, la carnavalisation à la Baudrillard des héritiers inconscients d’un flamboyant Occident est vérifiée…

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Attente moderne

« Les indigènes mélanésiens étaient ravis par les avions qui passaient dans le ciel. Mais jamais ces objets ne descendaient vers eux. Les Blancs, eux, réussissaient à les capter. Et cela parce qu’ils disposaient au sol, sur certains espaces, d’objets semblables qui attiraient les avions volants.

Sur quoi les indigènes se mirent à construire un simulacre d’avion avec des branches et des lianes, délimitèrent un terrain qu’ils éclairaient soigneusement de nuit et se mirent à attendre patiemment que les vrais avions s’y posent.

Sans taxer de primitivisme (et pourquoi pas ?) les chasseurs collecteurs anthropoïdes errant de nos jours dans la jungle des villes, on pourrait voir là un apologue sur la société de consommation.

Le miraculé de la consommation lui aussi met en place tout un dispositif d’objets simulacres, de signes caractéristiques du bonheur, et attend ensuite (désespérément, dirait un moraliste) que le bonheur se pose. »

Jean BaudrillardLa société de consommation (Éd. Gallimard, coll. Idées) – 1974 [1970]

L’ennui cordicole

« Quand les choses, les événements renvoient les uns aux autres et à leur concept indifférencié, alors l’équivalence du monde rencontre et annule l’indifférence de la pensée _ et c’est l’ennui. Même plus d’altercation, même plus d’enjeu. C’est le partage des eaux mortes.

(…) L’ennui formel que secrète cette pensée idéaliste des valeurs, ou cette pensée volontariste de la culture, est le signe secret de son désespoir non par rapport au monde, mais par rapport à son propre discours.

C’est là qu’est la véritable pensée dépressive, chez ceux qui ne parlent que de dépassement et de transformation du monde, alors qu’ils sont incapables de transfigurer leur propre langue. »

Jean BaudrillardLa pensée radicale (éd. Sens&Tonka) – 2005