« La masse sait qu’elle ne sait rien, et elle n’a pas envie de savoir. La masse sait qu’elle ne peut rien, et elle n’a pas envie de pouvoir. On lui reproche violemment cette marque de stupidité et de passivité.
Mais pas du tout: la masse est très snob, elle fait comme Brummel [il avait un serviteur pour choisir à sa place devant un paysage splendide… »Which Lake do I préféré ? »] et délègue souverainement la faculté de choisir à quelqu’un d’autre, par une sorte de jeu d’irresponsabilité, de défi ironique, d’involuté souveraine, de ruse secrète.`
Tous les médiateurs (politiques, intellectuels, héritiers des philosophes des Lumières dans la contemption des masses) ne serviraient au fond qu’à ceci : gérer par délégation, par procuration, cette affaire fastidieuse du pouvoir et de la volonté, délester les masses de cette transcendance pour leur plus grand plaisir et leur en offrir le spectacle par surcroît.
Vicarious : tel serait, pour reprendre le concept de Veblen, le statut de ces classes « privilégiées », dont la volonté serait détournée à leur insu vers les finalités secrètes des masses mêmes qu’elles méprisent. »
Jean Baudrillard – Les stratégies fatales (Éd. Grasset et Fasquelle, coll. Figures, p. 138) – 1983
par définition la masse n’a pas de conscience de masse donc ne sait rien ne voit rien ne se rend compte de rien. Toute la force des fumiers qui tirent les ficelles a été de massifier les nations et les peuples pour en faire des poulets d’élevage. Il faudra du temps et des moyens pour en faire des aigles !