Plus de chance, ils sont ici maintenant…

« Nous étions là-bas en contact avec les Maures insoumis. Ils émergeaient du fond des territoires que nous franchissions dans nos vols; ils se hasardaient aux fortins de Juby ou de Cisneros pour y faire l’achat de pains de sucre ou de  thé, puis ils se renfonçaient dans leur mystère. Et nous tentions, à leur passage, d’apprivoiser quelques-uns d’entre eux.

Quand il s’agissait de chefs influents, nous les chargions parfois à bord, d’accord avec la direction des lignes, afin de leur montrer le monde.

Il s’agissait d’éteindre leur orgueil, car c’était par mépris, plus encore que par haine, qu’ils assassinaient les prisonniers.

S’ils nous croisaient aux abords des fortins, ils ne nous injuriaient même pas. Ils se détournaient de nous et crachaient.

Et cet orgueil, ils le tiraient de l’illusion de leur puissance.

Combien d’entre eux m’ont répété, ayant dressé sur pied de guerre une armée de trois cents fusils : « Vous avez de la chance, en France, d’être à plus de cent jours de marche… ». »

Antoine de Saint-ExupéryTerre des Hommes (Éd. Gallimard, nrf, p. 101) – 1939 [1949]

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