Étiquette : cité
Concentration cordicole
« Chacune de ces trop grandes et trop vivantes cités, créations de l’inquiétude, de l’avidité, de la volonté combinées avec la figure locale du sol et la situation géographique, se conserve et s’accroît en attirant à soi ce qu’il y a de plus ambitieux, de plus remuant, de plus libre d’esprit, de plus raffiné dans les goûts, de plus vaniteux, de plus luxurieux et de plus lâche quant aux moeurs.
On vient aux grands centres pour avancer, pour triompher, pour s’élever; pour jouir, pour s’y consumer; pour s’y fondre et s’y métamorphoser; et en somme pour jouer, pour se trouver à la portée du plus grand nombre possible de chances et de proies, femmes, places, clartés, relations, facilités diverses; […]
[…] Chaque grande ville est une immense maison de jeux. »
Paul Valéry – Regards sur le monde actuel et autres essais (Éd. Gallimard, nrf, p.120) – 1945 [1961]
De la nécessité d’hoplites
« Il convient effectivement, selon l’opinion de la plupart des gens que la Cité heureuse soit une grande cité; mais, même si c’est la vérité, ils ne savent pas ce qui caractérise un grand État et un petit; c’est, en effet, d’après l’importance du nombre de ses habitants qu’ils jugent de la grandeur d’un État, alors qu’il faut considérer moins le nombre que la puissance.Car une Cité, elle usai, a une fonction déterminée, et c’est la cité la plus capable de s’en acquitter qui doit être regardée comme la plus grande, au sens où l’on peut dire qu’Hippocrate, non comme homme, mais comme médecin, est plus grand qu’un individu qui le dépasse en taille.
Néanmoins, s’il faut décider eu égard au nombreuse habitants, on ne doit pas le faire d’après n’importe quelle multitude (les Cités, sans doute, comprennent forcément un bon nombre d’esclaves, de métèques et d’étrangers) mais, en ne tenant compte que de ceux qui sont une partie de la cité et dont un État se compose à titre d’éléments propres. C’est la supériorité numérique de ces éléments qui est le signée la grandeur d’une Cité; la Cité, au contraire, d’où sortent des travailleurs manuels en grand nombre, mais peu d’hoplites, ne peut pas être une grande Cité : une grande Cité et une Cité populeuse, ce n’est pas la même chose. »
Aristote – Politique, Tome III, Livre VII (Éd. Les Belles Lettres, Paris, p.69-70) – 2002 [345/344 av. J.C]
Antique sentence
« La diversité d’origine peut aussi produire des révolutions jusqu’à ce que le mélange des races soit complet; car l’État ne peut pas plus se former du premier peuple venu, qu’il ne se forme dans une circonstance quelconque. Le plus souvent, ces changements politiques ont été causés par l’admission au droit de cité d’étrangers domiciliés dès longtemps, ou nouveaux arrivants. Les Achéens s’étaient réunis aux Trézéniens pour fonder Sybaris; mais étant bientôt devenus les plus nombreux, ils chassèrent les autres, crime que plus tard les Sybarites durent expier. Les Sybarites ne furent pas, du reste, mieux traités par leurs compagnons de colonie à Thurium; ils se firent chasser, parce qu’ils prétendaient s’emparer de la meilleure partie du territoire, comme si elle leur eût appartenu en propre. A Byzance, les colons nouvellement arrivés dressèrent un guet-apens aux citoyens; mais ils furent battus et forcés de se retirer.
Les Antisséens, après avoir reçu les exilés de Chios, durent s’en délivrer par une bataille. Les Zancléens furent expulsés de leur propre ville par les Samiens, qu’ils y avaient accueillis. Apollonie du Pont-Euxin eut à subir une sédition pour avoir accordé à des colons étrangers le droit de cité. A Syracuse, la discorde civile alla jusqu’au combat, parce que, après le renversement de la tyrannie, on avait fait citoyens les étrangers et les soldats mercenaires. A Amphipolis, l’hospitalité donnée à des colons de Chalcis devint fatale à la majorité des citoyens, qui se virent chasser de leur territoire. »
Aristote – Politique, Théorie générale des révolutions, Livre VIII, chapitre 1, paragraphe 10 et 11 (Éd. Librairie philosophique de Ladrange Paris) – 1874 [345/344 av. J.C]